La Nouvelle Hypnose : le livre ! (Episode 3/5)

Résumé : où l’on entre au coeur de ce qu’est la Nouvelle Hypnose, selon le livre de son fondateur, Daniel Araoz, paru en 1985. Avec une plongée historique (la guerre Charcot/Bernheim et sa conclusion moderne), le distinguo avec l’Hypnose d’Erickson et une précision sur l’Hypnose sans hypnose (conversationnelle)…

Nous avions terminé d’explorer les premières pages du livre, qui résumaient bien l’esprit et l’historique de cette nouvelle manière de pratiquer l’Hypnose… Voici donc ce qui nous attend pour la suite :

La « Partie I » du livre, aussitôt après les avant-propos, préface et introduction, s’intitule « Validation » :
– Les chapitres 1 et 2 vont aborder respectivement « L’influence de la Nouvelle Ecole de Nancy » puis « Le paradoxe de la Nouvelle Hypnose », sur une trentaine de pages.
– Le chapitre 3 sera le début de la présentation des « Techniques pour la transformation intérieure », qui ne fera que 24 pages et viendra conclure cette première partie du livre…

La « Partie II » s’intitule « Caractéristiques » et commence avec :
– Le chapitre 4 : « Orientation sur la personne » (« Client Centeredness ») suivi du chapitre 5 sur les « Expériences personnelles » d’Araoz (son apport sur l’auto-suggestion négative).

On aura alors couvert l’historique de la Nouvelle Hypnose, ses techniques et ses caractéristiques en 86 page exactement. Les 104 pages suivantes seront consacrées aux discussions autour de la Nouvelle Hypnose sur la Thérapie Familiale, l’Auto-hypnose, et 2 récits de cas, avant l’épilogue…
Le livre fait 214 pages, sans compter les annexes (sommaire, index, bibliographie, etc.).

L’INFLUENCE DE LA NOUVELLE ECOLE DE NANCY

(Voir la page de titre) Araoz commence par rappeler ce qu’était l’Ecole de Nancy, opposée à l’Ecole de La Salpêtrière de Charcot, à Paris. Il précise le fait que Bernheim insistait sur l’importance de la suggestion, de là à dire « Il n’y a pas d’hypnotisme, seulement de la suggestion« . La suggestion étant le fait de chercher à influencer l’inconscient de la personne, ici dans une visée thérapeutique : on peut effectivement aussi faire des suggestions en-dehors de l’état d’hypnose, dans la vie ordinaire, ce que tentent de faire la politique ou la publicité, tout comme n’importe quel professeur, pour mieux faire comprendre ses cours, ou manager, pour mieux diriger son équipe.
Ce que veut donc dire Bernheim, c’est qu’avec le meilleur état d’hypnose, si ce que le thérapeute dit est nul, l’effet thérapeutique sera nul. Le plus important (et ce qui fait « la thérapie ») est donc bien, en ce sens, la suggestion et non l’hypnose… ce que nous viendront modérer dans un moment.

Profitons-en pour rappeler quelques basiques : le livre que vous voyez en couverture ci-dessus (cliquez ici pour accéder au livre en ligne) présente un « néologisme » : un nouveau mot dans le vocabulaire français. « Psychothérapie ». Le livre date de 1891. Voyons d’où il sort et ce qu’il désigne…
En 1853, le chirurgien anglais Walter Cooper Dendy introduit le mot « psycho-therapeia » pour décrire l’influence des paroles et du comportement du médecin sur le moral de ses patients. Un peu plus tard, en 1872, Daniel Hack Tuke, un autre médecin anglais spécialiste de la santé mentale, avait ensuite utilisé le mot « psycho-therapeutic » pour désigner le soin par le magnétisme animal. Et c’est Hippolyte Bernheim qui popularisa (en France et dans ses travaux édités en anglais) le terme « psychothérapie » dans le sens de « utiliser son esprit pour soigner le corps à travers l’hypnotisme« , bien avant la publication de son livre en 1891. D’ailleurs, Charles Lloyd Tuckey publia dès 1889 son livre « Psycho-therapeutics, or Treatment by Hypnotism and Suggestion » pour faire connaître en langue anglaise les travaux de la Nouvelle Ecole de Nancy !

Bref, on voit le crescendo historique : « influencer le moral » => « soin par magnétisme animal » => « soin par la suggestion hypnotique » qui correspond bien à l’évolution historique qui mena à la « psychothérapie »… Et ne fallut que quelques années à peine avant que les premières variantes de psychothérapie surviennent et que le terme se mettent à regrouper les différentes filles et petites-filles de l’Hypnose : de la Psychanalyse aux 400 formes différentes de soin par la parole et l’esprit qui existent aujourd’hui !

Le Dr Liebault et ses patients, en 1873

Revenons-en à notre Ecole de Nancy. Araoz nous rappelle qu’elle a pris le qualificatif de « Nouvelle » pour se différencier des idées de Charcot (Ecole de la Salpêtrière) que suivait la majorité des hypnotiseurs (à l’époque, le terme désignait uniquement des thérapeutes, donc on n’était pas obligé de préciser comme aujourd’hui : « hypnothérapeute »).
Bernheim et ses associés Liébeault, Liégeois et Beaunis mettent donc en avant que les mots utilisés pendant la séance d’hypnose sont plus importants que l’état d’hypnose lui-même. Ils estiment que l’hypnose est produite par l’imagination de la personne (suivant en cela les « imaginationnistes », Hénin de Cuvillers, Faria, etc., précurseurs de l’Hypnose) et son auto-suggestion. En gros, que c’est parce que la personne joue un jeu, tant et si bien, qu’elle finit par réaliser ce qu’on lui demande, par elle-même. Les paroles de l’hypnotiseur ne sont là que pour la guider dans son jeu avec elle-même…
D’un autre côté, Charcot, également neurologue comme Bernheim, pensait qu’il y avait un réel « état modifié de conscience » (ce que la science actuelle a confirmé) et il voyait en l’hypnose un état variant de l’hystérie : ce qui n’est pas faux non plus, si on prend le terme au sens psychologique (et non pas pathologique) : « une réaction hystérique », donc une réaction exagérée, due à l’hypersensibilité de la personne.

La guerre entre Bernheim et Charcot n’a pas duré longtemps, puisque Charcot est mort en août 1893, à peine trois ans après les heurts avec l’Ecole de Nancy.

Bernheim vécu jusqu’en février 1919 mais finit par abandonner l’hypnose, puisqu’il estimait que « ce qu’on appelle hypnotisme n’est autre chose que la mise en activité d’une propriété normale du cerveau, la suggestibilité, c’est-à-dire l’aptitude à être influencé par une idée acceptée et à en rechercher la réalisation » ce qui est une confusion malheureuse entre les deux domaines, qui lui valu de nombreuses remarques, à commencer par Freud, pourtant fidèle de longue date (qui n’admettait pas que la suggestion soit à la fois toute-puissante et restait non-expliquée) et Pierre Janet, père de la Psychologie clinique française (« Je ne suis pas disposé à croire que la suggestion puisse expliquer tout et en particulier qu’elle puisse s’expliquer elle-même« ).

L’état cérébral d’hypnose est aujourd’hui identifié et connu, donc il est bien réel (comme le pensait Charcot), et qu’il ne se résout pas à la suggestion, bien réelle aussi, mais qui est différente de l’état d’hypnose, puisqu’on peut faire des suggestions à tout moment de la vie…
Conclusion : les deux neurologues avaient donc raison, chacun pour une partie de leurs convictions ! 🙂

Allez, on se fait la bise et on fait la paix !

La Nouvelle Hypnose reprend ainsi les idées de Bernheim sur l’importance de la suggestion et y ajoute l’état d’hypnose, sans lequel la plupart des phénomènes ne peuvent pas être obtenus. Par exemple : une personne convaincue de pouvoir soulager son mal de dent, met sa main sur sa joue douloureuse… en vain, puisque la douleur reste. Le soulagement est léger, seulement émotionnel… Mettez-la en état d’hypnose, demandez-lui à nouveau de mettre sa « main guérisseuse » (la même qu’avant !) sur sa joue… et là, o miracle ! la douleur disparaît ! L’hypnose seule ne sert à rien, mais la suggestion seule non plus. L’alliance des deux, par contre, fait des miracles.

Araoz traduit dans son livre, en langage moderne, les 3 idées de base de la Nouvelle Ecole de Nancy, sans parler du fait que Bernheim avait abandonné l’hypnose puisque, lui, Araoz, comptait bien utiliser cet état modifié de conscience, pour ses avantages…

  1. « Le changement efficace est apporté par une expérience réalisée au travers d’une activité cerveau droit. » Autrement dit : « C’est l’imagination qui produit le changement. »
  2.  « Importance de l’auto-suggestion. L’hétéro-suggestion fonctionne seulement si elle fait écho à ce que l’individu se suggère à lui-même, au fond de lui. » « Le thérapeute aide l’individu à apprendre à utiliser l’auto-suggestion efficacement.« 
  3. « L’auto-suggestion agit au niveau non-conscient de la pensée ou à ce que l’on comprend maintenant comme une pensée cerveau droit ou expérientielle.« 

Suite à cela, Araoz passe en revue une série de références de recherches (noms, dates) sur la suggestion et l’aspect « expérientiel » de l’Hypnose (principalement Barber et des gens de son époque, donc autour des années 1970)…
Il explique également en quelques lignes les trois types de suggestions (théoriques) établis par Baudouin (1922) : spontanée, induite et réflexive (ce qui est différent des formes de suggestions, beaucoup plus nombreuses, utilisées en thérapie).
Et cette partie sur la Nouvelle Ecole de Nancy se conclut avec un lien vers le présent et le futur de l’Hypnose : « La Nouvelle Hypnose améliore et enrichit, avec l’aide des récentes recherches, ce que la Nouvelle Ecole de Nancy nous a appris il y a un siècle« … Le nom de Barber revient et celui d’Erickson aussi, pour « son autre manière d’utiliser l’Hypnose. »

Et Araoz termine en déclarant : « La Nouvelle Hypnose n’est pas une nouvelle école de psychothérapie, mais une méthode systématique à l’intérieur de laquelle toute psychothérapie valide peut fonctionner. » Ce qui est prémonitoire de sa propre perte, comme nous le découvrirons plus tard…

LE PARADOXE DE LA NOUVELLE HYPNOSE

Le chapitre 2 du livre d’Araoz commence par une suite fastidieuse de noms et de dates (jugez-en par vous-même !)… L’auteur cherche à justifier à la fois son attachement à Bernheim (suggestion) mais aussi à l’Hypnose (travaux de Barber, plus récents).
Il en vient à citer Kuhner, un dentiste qui pratiquait l’Hypnose et qui est l’auteur de l’expression « hypnose sans hypnose » (1962) pour désigner la manière de pratiquer en « hypnose conversationnelle« . Expression étonnante et qui peut certes attirer l’attention, mais que son auteur a dû regretter lui-même par la suite et qui a disparu du vocabulaire anglophone ( « hypnosis without hypnosis » est introuvable sur Google, ailleurs que dans l’article en lien ci-dessus et sur quelques sites de magiciens, sans rapport avec l’hypnose véritable). En France, elle est devenue à la mode, mais source de confusion et/ou sert de justificatif à des personnes n’arrivant pas à pratiquer l’Hypnose :
« Mais, je n’étais pas en transe !
– Mais si ! Seulement, c’était « du conversationnel », donc vous ne vous en êtes pas rendu compte ! »
L’excuse parfaite !… 😀

Bien entendu, la véritable « hypnose conversationnelle », comme son appellation l’indique, reste de l’hypnose, donc l’atteinte d’un état modifié de conscience, tangible et observable par toute personne présente (cf. article dédié). Araoz le précise bien dans son livre, lorsqu’il cite cette « hypnose sans hypnose, lorsque celle-ci survient dans le développement naturel de la relation dans laquelle le patient a besoin de l’hypnose et le thérapeute lui apporte les conditions pour rendre cette expérience possible. »

Bref, au début de ce chapitre, Araoz tourne autour de cette idée : faire de l’Hypnose mais sans les rituels de l’Hypnose traditionnelle (dite « Classique » en France), donc différemment de la pratique des anciens hypnothérapeutes, mais différemment aussi d’Erickson qui, lorsqu’il n’était pas « classique », jouait surtout avec des leviers psychologiques pour arriver à ses fins thérapeutiques. C’est cela, sa « Nouvelle Hypnose ».
Plusieurs pages passent ainsi sur les principes d’hypnotisabilité (encore Barber, puis Erickson, Rossi et Watzlawick, pour arriver à l’idée que « toute personne normale est capable d’utiliser l’Hypnose« ), de profondeur de transe (pour en arriver à dire que la Nouvelle Hypnose préfère « accroître l’implication imaginative » de la personne)… et conclut sur la pratique de l’auto-hypnose (afin que la personne soit autonome et son thérapeute juste une aide ponctuelle).

A la suite de cela, un sous-chapitre s’ouvre sur les techniques d’induction hypnotique. Araoz explique de suite que la Nouvelle Hypnose cherche à être plus douce et moins ritualisée que l’ancienne Hypnose. Elle se veut « naturaliste, comme l’était l’approche d’Erickson » – à la différence qu’Araoz demande beaucoup à la personne de participer, contrairement à Erickson, ce dont il ne semble pas se rendre compte lui-même !

Jugez-en par vous-même : dans « Un Séminaire avec Milton Erickson » (un séminaire enregistré quelques mois avant la mort d’Erickson), page 39-40. Erickson fait une induction à une participante, Christine. Il lui dit :
« Très bien. Appuyez-vous sur le dossier de la chaise et fixez ce cheval (en montrant une miniature posée dans sa bibliothèque). Le voyez-vous ?
– Oui
– Regardez seulement dans cette direction générale. Je veux que vous m’écoutiez tous et que vous notiez ce que je suis en train de dire. Maintenant, Christine, regardez seulement ce cheval… (Christine réajuste sa position). Vous n’avez pas besoin de bouger. Vous n’avez pas besoin de parler. Je vais vous rappeler quelque chose que vous avez appris il y a très longtemps. Quand vous êtes allée à l’école pour la première fois et que le professeur vous a demandé d’apprendre à écrire les lettres de l’alphabet, cela semblait un travail terriblement difficile (Erickson décrit un moment les formes des lettres, Christine cligne des yeux). Et alors que je suis en train de vous parler, votre respiration a changé. Votre rythme cardiaque a changé. Votre pression sanguine a changé. Votre tonus musculaire a changé. Vos réflexes moteurs ont changé. Et maintenant (Christine ferme les yeux), je veux que vous gardiez vos yeux fermés et je veux que vous vous sentiez très confortable. Et le plus confortable vous vous sentirez, le plus profondément en transe vous irez. J’aimerais que vous alliez si profondément en transe qu’il vous semblera que vous n’aurez même plus de corps. Vous vous sentirez juste comme un esprit sans corps. Un esprit flottant dans l’espace. Flottant dans le temps. Et des mémoires d’il y a longtemps vous reviendront. Des mémoires que vous aviez oubliées depuis longtemps. »

Etc. On sent qu’Erickson est en fin de vie, car jamais auparavant il n’abordait les thèmes de « l’esprit flottant dans l’espace ». On est alors début août 1979 et il mourut en mars 1980… Vous constatez tout de même qu’il est toujours très direct ! Comme il l’a été toute sa vie, dans toutes les inductions que l’on a de lui. Les subtilités sont dans les allusions qu’il peut faire, les leviers psychologiques sur lesquels il appuie parfois. On reconnaît aussi en début d’induction sa fameuse « référence aux apprentissages précoces », qu’il utilisait souvent.

Bref, voyons maintenant le court exemple d’induction qu’Araoz propose dans son livre :
« Une induction typique pourrait ressembler à quelque chose comme cela : Notez le poids de vos mains sur votre poitrine… Qu’est-ce que vos mains peuvent noter d’autres ?… Vérifiez maintenant… une sensation de chaleur, peut-être. Un léger souffle dans l’air. La température de la pièce… Si vous vouliez séparer vos mains maintenant, vous pourriez noter d’autres sensations intéressantes, comme l’une qui se ressent plus légère que l’autre. Laquelle est-ce ? »

Araoz parle à la personne, mais dans le sens de la faire participer. Elle doit « noter » des choses. Erickson parlait à la personne pour l’informer de ce qui lui arrivait. Cela n’a rien à voir.
Araoz parle moins, fait plus de pauses (les « … ») et conduit la personne du mode associé (« Notez le poids de vos mains ») au mode dissocié (« l’une des mains se ressent plus légère que l’autre »). Ce n’est pas la même manière de parler. Et c’est beaucoup moins directif, à côté d’un Erickson qui annonce : « Je veux que vous m’écoutiez. Vous n’avez pas besoin de bouger. Je veux que vous gardiez vos yeux fermés, etc. »

Plus loin dans le livre, Araoz parle de se caler sur la respiration de la personne (synchronisation). Il évoque les possibilités naturelles de changement de la personne, sans rien lui obliger. Il essaie de faire « devenir la personne plus consciente de son intérieur » (inner self)… Bref, Araoz décrit une manière de conduire l’induction hypnotique qui ressemble à ce que l’on pratique actuellement en hypnothérapie !

« Le praticien de la Nouvelle Hypnose observe la personne soigneusement et respectueusement, en utilisant chacun des éléments fournis par la personne elle-même« . Araoz cite 3 catégories d’éléments à synchroniser : le corps (gestuel, expressions faciales, etc.), le style de langage (et son « système de représentation intérieur », le VAKO) et enfin les affirmations importantes que la personne a faite durant l’anamnèse.

Araoz explique ensuite les bases de l’accompagnement de la personne : noter ses phrases clés, ses métaphores, pour les réutiliser durant la séance d’hypnose, sans les interpréter ni déformer. Et aussi, apprendre à la personne à entrer en état d’hypnose, tout en faisant en sorte de l’aider : « double tâche de l’hypnothérapeute : aider les clients à devenir familier avec ce mode de relation à eux-mêmes et produire les conditions favorables au changement ».

Puis il énonce diverses manière de procéder à l’accompagnement hypnotique. Je cite :

  1. Devenir pleinement conscient de ses sensations corporelles et alors se focaliser sur elles (ex. la respiration) jusqu’à ce que le matériau inconscient émerge.
  2. Répéter une affirmation importante jusqu’à ce que les processus intérieurs inconscients émergent à la conscience.
  3. Revivre en esprit une expérience passée, au lieu de simplement en parler.
  4. Devenir conscient de son énergie physique jusqu’à ressentir les forces vitales qui activent le système nerveux parasympathique.
  5. Focaliser en esprit sur un objectif possible, positif et constructif pour son avenir.
  6. Simplement permettre à la personne d’être silencieuse, en suggérant que l’Inconscient peut commencer à travailler pendant ce moment de « ne rien faire », sans que l’esprit conscient ne le sache (« without the awareness of the conscious mind »).

Ce qu’il appelle des « inductions non-ritualisées« … (Bon, la 4ème est étrange ! 😉 )
Lesquelles inductions « deviennent une invitation naturelle à connecter son soi intérieur, son soi inconscient. »

Toujours est-il que l’on note une grande différence par rapport à la manière de faire d’Erickson !

Araoz conclut ce chapitre sur ses idées à propos de l’aspect « utilisationnel » éricksonien, qu’il estime très important :
« En Hypnose traditionnelle, il y a souvent une réelle tentative de reprogrammer l’esprit du client par l’usage excessif de suggestions directes. Il est curieux que la Programmation Neuro-Linguistique (PNL) prétende suivre les enseignements d’Erickson, alors qu’il détestait que l’on applique le modèle cybernétique aux humains. »
Apparemment Araoz n’est pas très ami avec la PNL… ?

« L’utilisation n’est pas la programmation. C’est plutôt l’utilisation efficace de l’expérience hypnotique au bénéfice du client » assène Araoz, sans toutefois donner d’exemple concret. Mais l’idée est là. Erickson la professait aussi, bien que ses démonstrations d’induction hypnotique, même à la fin de sa vie (on l’a lu ci-dessus) ne reflétaient pas ses belles paroles…
L’important est qu’il nous ait montré la voie et que nous en ayons fait l’Hypnose d’aujourd’hui !

~oOo~

Ces deux premiers chapitres nous ont montré le lien entre les idées de Bernheim, la Nouvelle Ecole de Nancy, et la Nouvelle Hypnose, baptisée ainsi en son hommage.
J’en ai profité pour vous rappeler le travail de Bernheim, l’importance de la suggestion, les idées de Charcot, et le fait, un siècle après, que toute cette « guerre de clocher » n’avait plus lieu d’être, car les deux spécialistes avaient chacun en partie raison.

Puis Araoz est un peu entré dans « la technique », avec la position de l’hypnothérapeute, sa manière de pratiquer les inductions, l’aspect utilisationnel, et j’en ai profité pour vous faire comparer une induction éricksonienne et les méthodes de la Nouvelle Hypnose.

Il est possible que vous ayez jusque-là baptisé « éricksonienne » ce qui, en réalité, vous l’avez découvert à travers le livre d’Araoz, est de la Nouvelle Hypnose.

Le prochain chapitre traitera plus avant des techniques.
Vous découvrirez qu’il y en a peu (une douzaine)… ce qui vous permettra de comparer avec la Nouvelle Hypnose francophone, telle qu’on la pratique en France depuis 1995.

Il y a encore quelques points intéressants à découvrir dans ce livre. C’est donc…

A suivre ! (Episode 4/5)

Exemples d’induction d’Hypnose Classique

Les techniques dites « classique » représentent la source de toutes formes d’Hypnose. Milton Erickson a gardé toute sa vie, dans sa pratique, les bases de l’Hypnose traditionnelle de James Braid ou du Pr. Bernheim – la fixation du regard ou de l’attention, par exemple, dont il n’est nulle part question dans les livres d’Hypnose Ericksonienne et qui, pourtant, est tout à fait évidente lorsque l’on voit Erickson pratiquer!

1002935-André_Brouillet_Le_Dr_Charcot_à_la_SalpêtrièreSi certains hypnothérapeutes du XIXème siècle avaient un caractère dominant, c’était dû à l’époque : les hypnothérapeutes étaient toujours des gens « de la haute société » et ils ne s’adressaient pas avec sympathie aux gens « du peuple ». Mais nous ne sommes plus à cette époque, donc nous n’avons aucune raison d’utiliser encore la caricature du « Dormez, je le veux ! » De plus, les thérapeutes du XIXème siècle et leurs patients étaient aussi intelligents et sensibles que nous pouvons l’être aujourd’hui, et la plupart pratiquaient avec douceur.

Ainsi, les hypnothérapeutes actuels utilisent donc forcément au quotidien les techniques issues de l’Hypnose Classique – même lorsqu’ils s’en défendent : car il est de bon ton d’être « en synchro » avec son patient (cela vient de Mesmer, en 1750), toutes les inductions débutent par une phase de focalisation de l’attention (cela vient de James Braid, fondateur de l’Hypnose, en 1841, et cela portait même son nom au début), on active les mécanismes inconscients, hors du champ de conscience de la personne (suggestions et métaphores, qui existent depuis les débuts de l’hypnose), on fait des suggestions directes camouflées (on en trouve à foison dans les livres d’hypnose des années 1970) ou des suggestions indirectes (on en trouve des exemples dans le premier livre de James Braid, dès 1843) ou des « rêves éveillés » (sortes de métaphore inventée par Robert Desoille, dans les années 1930-40), on utilise du signaling (réponse de l’Inconscient, technique formalisée par Cheek et Lecron à la fin des années 1960), on fait des régressions (techniques découverte par Pierre Janet, dans les années 1920). Etc.

En fait, on ne devrait pas parler d’Hypnose « Classique », mais d’Hypnose… tout court.
Les autres formes étant des variantes de celle-ci, originelle : l’Hypnose de spectacle (qui n’a rien à voir avec l’Hypnose Classique !), l’Hypnose d’Erickson, la Nouvelle Hypnose, l’Hypnose Humaniste, par la suite.

Appuyons sur le fait que l’Hypnose utilisée dans les spectacles de music-hall et dans les démonstrations de rue n’a rien à voir avec l’Hypnose Classique, qui est une approche thérapeutique. Les techniques de l’Hypnose dite « récréative » (à visée de divertissement) sont différentes et, bien sûr, le but final l’est aussi.
Mais les médias ne montrent la plupart du temps que l’Hypnose de spectacle et le grand public a fini par mélanger le show et la thérapie, ce qui n’est bien évidemment pas le cas ! Un artiste n’a aucune idée de comment soigner les gens avec l’Hypnose, tout comme un « psy », hypnothérapeute, ne saurait pas mener un spectacle… Les deux n’ont rien à voir !

Donc, pour cet exemple, nous adopterons un langage simple et direct, afin de guider la personne (suivant des mécanismes psychologiques maintenant mieux connus) et d’obtenir par la suite les phénomènes hypnotiques nécessaires à la thérapie (métaphores).

Ainsi, on pourra utiliser les techniques de l’Hypnose Classique  et l’autonomie de la personne sera toujours préservée. On pourra même rendre utiles les phénomènes hypnotiques les plus curieux, de manière symbolique.
Par exemple, le test des mains serrées, traditionnel, pourra symboliser la force à laquelle la personne tient à ses rêves, ou devenir la métaphore thérapeutique d’une « irrésistible force, que personne ne parvient à contrer » (personne ne peut séparer les deux mains de la personne) ou du « développement d’une puissance intérieure telle que le « charbon ancien », prisonnier à l’intérieur, se transforme doucement, mais sûrement, en le plus pur diamant » (parallèle entre la pression irrésistible des mains, emprisonnant la matière à transformer, et la création d’un état psychologique de la personne plus sain, purifié, etc.).
La réouverture des mains symbolisera alors la libération de la personne métamorphosée, par exemple, comme deux mains qui s’entrouvrent pour « laisser apparaître le joyau qu’elles contiennent« .

Donc, on ne fait pas de spectacle et on n’est pas « dominant » quand on pratique l’Hypnose Classique. On « fait de l’Hypnose », comme des milliers d’hypnothérapeutes l’ont pratiqué et la pratiquent encore, depuis presque 200 ans…

Voici un exemple d’induction rapide de Dave Elman (Hypnotherapy, 1964) :

Demandez à votre sujet de serrer ses mains devant lui, puis dites…

« Prenez une grande et profonde respiration, remplissez bien vos poumons et tenez l’air pendant une seconde… Maintenant, soufflez et fermez les yeux… Et laissez-vous détendre… Débarrassez- vous des tensions superficielles de votre corps et laissez les épaules se détendre. C’est bien de vous détendre aujourd’hui. 

Posez maintenant votre conscience sur vos paupières. Vous savez que vous pouvez admirablement bien détendre ces yeux. Vous savez que vous pouvez détendre ces yeux tellement profondément, cela aussi longtemps que vous choisissez de garder cette relaxation, et les paupières ne fonctionneront simplement plus… Et quand vous savez que vous avez fait ça, gardez toujours cette relaxation et faites un bon essai : assurez-vous qu’elles ne fonctionnent pas… Et remarquez comme elles se sentent bien. Testez-les vraiment… c’est ok (pause). C’est bien. Arrêtez d’essayer et laissez-vous bien détendre… encore plus. 

La qualité de relaxation que vous avez créée dans vos yeux est la qualité de la relaxation que j’aimerais que vous laissiez aller dans tout votre corps. Prenez donc cette relaxation et apportez-la jusqu’au-dessus de votre tête… Et envoyez-la vers le bas de votre corps, du dessus de la tête au bout de vos orteils. Laissez aller chaque muscle… Laissez aller chaque nerf. Laissez aller chaque fibre… Et laissez-vous dériver beaucoup… plus… profond… détendu. Voilà, vous l’avez ! 

Approfondissons maintenant vraiment cet état. Dans un moment, je vous demanderai d’ouvrir et refermer vos yeux. Quand vous fermerez les yeux, envoyez une vague de relaxation par votre corps, tellement rapidement que vous permettrez ainsi à la part physique de vous-même de se détendre… Dix fois plus profond. Voulez-le et vous l’aurez. Laissez vos yeux s’ouvrir… et fermez les yeux… Et vraiment… laissez aller. Sentez votre corps se détendre, encore davantage. Vous le faites très bien. 

Dans un moment, je vous demanderai encore d’ouvrir et fermer les yeux. Au moment où vous fermerez les yeux, doublez cette relaxation physique !… Laissez-la vraiment se développer en vous deux fois plus profondément. Laissez vos yeux s’ouvrir… et se refermer… Plus profond… Plus profond… Détendu. 

Dans un moment, nous le ferons une fois de plus… Et remarquez à quel point cela se fera tout seul pendant que vous apprenez à quel point tout cela est simple… Doublez-la au minimum. Très bien : laissez les yeux s’ouvrir… et se refermer (——) et laissez vraiment aller. C’est bien. C’est bien. 

Dans un moment, je vais soulever votre bras droit et le laisser tomber. Ne m’aidez pas à soulever ce bras… Et, quand il retombera, remarquez juste combien votre corps peut se détendre encore très facilement davantage (laisser tomber le bras). Parfait. Complètement en bas. Très bien. 

Maintenant le corps est vraiment détendu (——) alors, laissons l’esprit se détendre ; c’est vraiment ce que nous voulons faire. Quand votre esprit sera détendu vous pourrez vraiment réaliser tout ce que vous pourrez imaginer, dans certaines limites, naturellement. » 

Sitôt l’état de transe hypnotique bien installé chez la personne, on débute le protocole thérapeutique, grâce à des suggestions thérapeutiques directes, indirectes et des métaphores (James Braid est le premier à donner des exemples de ces techniques, dans son livre « Neurypnology », 1843) ou des structures plus modernes de soin ou de coaching.

Par exemple, les débutants en Hypnose apprennent à créer un parallèle symbolique entre des phénomènes de lourdeur et de légèreté d’une part (induction par « apposition d’opposés ») et ce qui est « désagréable / à rejeter » et « agréable / à garder » : on génère chez la personne un phénomène de catalepsie ou de lévitation de la main puis on le relit à ce qui est agréable, lumineux, etc. Ensuite, on fait de même, à l’inverse, avec l’autre main, lourde et reliée au désagréable, « aux choses profondes que l’Inconscient peut laisser partir… aider par la lumière… légère… de l’autre main »:

« Et tous les souvenirs (voix triste, ton de voix descendant)… désagréables… …se mettent à glisser dans le bras gauche… le bras du cœur… des émotions… et des choses du passé… Tout ce qui est lourd… lourd à porter… glisse… dans tout le bras… jusqu’à la main… lourde… de plus en plus lourde… au fur et à mesure que s’accumule… tout ce qui est noir… lourd et triste… Comme une huile grasse… sombre… qui s’écoule lentement… vers le bas… Comme d’avoir trempé les doigts dans l’huile… et que ça alourdit tellement ce bras… tellement lourd… …lourd… (le corps de la personne se met à pencher vers la gauche, emporté par le poids du main ; la main gauche glisse de la jambe sur laquelle elle était posée et pend sur le côté de la chaise) Comme ça… et ça permet à tout ça de s’écouler… de sortir de vous…

Et l’autre main… droite (voix plus légère, ton de voix montant)… celle de l’avenir et des projets à réaliser… va aller chercher de la lumière… pour contre-balancer l’autre main… et équilibrer le corps… (on saisit la main et on la place en position de catalepsie, à mi-hauteur) Voilà… un nouvel équilibre… plus léger… et la main va s’élever vers la lumière… comme un tournesol, qui cherche le soleil (on lâche la main, qui tient toute seule en l’air) …c’est très très bien… Et vous sentez comme la main continue de s’élever toute seule… et la lumière qu’elle capte (on touche doucement le bout des doigts) redescend dans le corps (on touche l’épaule gauche puis le côté du bras gauche, vers la main) pour aider (voix triste)  l’huile noire, épaisse… à s’en aller… à glisser… à glisser complètement… et tomber par terre… (voix légère) et le bras gauche… le cœur… s’emplit de lumière… »

Bien sûr, plus la main légère s’élève et plus elle transmet sa lumière à la main lourde… qui finit par devenir légère elle aussi, lorsque toute « l’huile » (les soucis) auront été évacués – ce qui signe la fin de cette rapide expérience d’hypnose bienfaisante.
Pas de langage flou ni de sous-entendus à la Erickson. Pas de langage technique ni de protocole à la manière de la Nouvelle Hypnose. La personne est bien dissociée et se laisse faire, donc ce n’est pas de l’Hypnose Humaniste non plus. C’est simplement « de l’Hypnose », comme on la pratique depuis ses débuts, même si on l’appelle aujourd’hui « classique ».

Conclusion
L’Hypnose Classique est en fait « de l’Hypnose », tout simplement : la forme la plus simple d’hypnose, idéale pour débuter, et avec laquelle il y a déjà de quoi réaliser bien des merveilles, pour soi ou pour les autres. Toutes les bases sont là ! Et on les apprend dès les premiers jours de formation en Hypnose

Lire aussi :
– L’Hypnose Ericksonienne
La Nouvelle Hypnose
– L’Hypnose Humaniste