La Nouvelle Hypnose : le livre ! (Episode 3/5)

Résumé : où l’on entre au coeur de ce qu’est la Nouvelle Hypnose, selon le livre de son fondateur, Daniel Araoz, paru en 1985. Avec une plongée historique (la guerre Charcot/Bernheim et sa conclusion moderne), le distinguo avec l’Hypnose d’Erickson et une précision sur l’Hypnose sans hypnose (conversationnelle)…

Nous avions terminé d’explorer les premières pages du livre, qui résumaient bien l’esprit et l’historique de cette nouvelle manière de pratiquer l’Hypnose… Voici donc ce qui nous attend pour la suite :

La « Partie I » du livre, aussitôt après les avant-propos, préface et introduction, s’intitule « Validation » :
– Les chapitres 1 et 2 vont aborder respectivement « L’influence de la Nouvelle Ecole de Nancy » puis « Le paradoxe de la Nouvelle Hypnose », sur une trentaine de pages.
– Le chapitre 3 sera le début de la présentation des « Techniques pour la transformation intérieure », qui ne fera que 24 pages et viendra conclure cette première partie du livre…

La « Partie II » s’intitule « Caractéristiques » et commence avec :
– Le chapitre 4 : « Orientation sur la personne » (« Client Centeredness ») suivi du chapitre 5 sur les « Expériences personnelles » d’Araoz (son apport sur l’auto-suggestion négative).

On aura alors couvert l’historique de la Nouvelle Hypnose, ses techniques et ses caractéristiques en 86 page exactement. Les 104 pages suivantes seront consacrées aux discussions autour de la Nouvelle Hypnose sur la Thérapie Familiale, l’Auto-hypnose, et 2 récits de cas, avant l’épilogue…
Le livre fait 214 pages, sans compter les annexes (sommaire, index, bibliographie, etc.).

L’INFLUENCE DE LA NOUVELLE ECOLE DE NANCY

(Voir la page de titre) Araoz commence par rappeler ce qu’était l’Ecole de Nancy, opposée à l’Ecole de La Salpêtrière de Charcot, à Paris. Il précise le fait que Bernheim insistait sur l’importance de la suggestion, de là à dire « Il n’y a pas d’hypnotisme, seulement de la suggestion« . La suggestion étant le fait de chercher à influencer l’inconscient de la personne, ici dans une visée thérapeutique : on peut effectivement aussi faire des suggestions en-dehors de l’état d’hypnose, dans la vie ordinaire, ce que tentent de faire la politique ou la publicité, tout comme n’importe quel professeur, pour mieux faire comprendre ses cours, ou manager, pour mieux diriger son équipe.
Ce que veut donc dire Bernheim, c’est qu’avec le meilleur état d’hypnose, si ce que le thérapeute dit est nul, l’effet thérapeutique sera nul. Le plus important (et ce qui fait « la thérapie ») est donc bien, en ce sens, la suggestion et non l’hypnose… ce que nous viendront modérer dans un moment.

Profitons-en pour rappeler quelques basiques : le livre que vous voyez en couverture ci-dessus (cliquez ici pour accéder au livre en ligne) présente un « néologisme » : un nouveau mot dans le vocabulaire français. « Psychothérapie ». Le livre date de 1891. Voyons d’où il sort et ce qu’il désigne…
En 1853, le chirurgien anglais Walter Cooper Dendy introduit le mot « psycho-therapeia » pour décrire l’influence des paroles et du comportement du médecin sur le moral de ses patients. Un peu plus tard, en 1872, Daniel Hack Tuke, un autre médecin anglais spécialiste de la santé mentale, avait ensuite utilisé le mot « psycho-therapeutic » pour désigner le soin par le magnétisme animal. Et c’est Hippolyte Bernheim qui popularisa (en France et dans ses travaux édités en anglais) le terme « psychothérapie » dans le sens de « utiliser son esprit pour soigner le corps à travers l’hypnotisme« , bien avant la publication de son livre en 1891. D’ailleurs, Charles Lloyd Tuckey publia dès 1889 son livre « Psycho-therapeutics, or Treatment by Hypnotism and Suggestion » pour faire connaître en langue anglaise les travaux de la Nouvelle Ecole de Nancy !

Bref, on voit le crescendo historique : « influencer le moral » => « soin par magnétisme animal » => « soin par la suggestion hypnotique » qui correspond bien à l’évolution historique qui mena à la « psychothérapie »… Et ne fallut que quelques années à peine avant que les premières variantes de psychothérapie surviennent et que le terme se mettent à regrouper les différentes filles et petites-filles de l’Hypnose : de la Psychanalyse aux 400 formes différentes de soin par la parole et l’esprit qui existent aujourd’hui !

Le Dr Liebault et ses patients, en 1873

Revenons-en à notre Ecole de Nancy. Araoz nous rappelle qu’elle a pris le qualificatif de « Nouvelle » pour se différencier des idées de Charcot (Ecole de la Salpêtrière) que suivait la majorité des hypnotiseurs (à l’époque, le terme désignait uniquement des thérapeutes, donc on n’était pas obligé de préciser comme aujourd’hui : « hypnothérapeute »).
Bernheim et ses associés Liébeault, Liégeois et Beaunis mettent donc en avant que les mots utilisés pendant la séance d’hypnose sont plus importants que l’état d’hypnose lui-même. Ils estiment que l’hypnose est produite par l’imagination de la personne (suivant en cela les « imaginationnistes », Hénin de Cuvillers, Faria, etc., précurseurs de l’Hypnose) et son auto-suggestion. En gros, que c’est parce que la personne joue un jeu, tant et si bien, qu’elle finit par réaliser ce qu’on lui demande, par elle-même. Les paroles de l’hypnotiseur ne sont là que pour la guider dans son jeu avec elle-même…
D’un autre côté, Charcot, également neurologue comme Bernheim, pensait qu’il y avait un réel « état modifié de conscience » (ce que la science actuelle a confirmé) et il voyait en l’hypnose un état variant de l’hystérie : ce qui n’est pas faux non plus, si on prend le terme au sens psychologique (et non pas pathologique) : « une réaction hystérique », donc une réaction exagérée, due à l’hypersensibilité de la personne.

La guerre entre Bernheim et Charcot n’a pas duré longtemps, puisque Charcot est mort en août 1893, à peine trois ans après les heurts avec l’Ecole de Nancy.

Bernheim vécu jusqu’en février 1919 mais finit par abandonner l’hypnose, puisqu’il estimait que « ce qu’on appelle hypnotisme n’est autre chose que la mise en activité d’une propriété normale du cerveau, la suggestibilité, c’est-à-dire l’aptitude à être influencé par une idée acceptée et à en rechercher la réalisation » ce qui est une confusion malheureuse entre les deux domaines, qui lui valu de nombreuses remarques, à commencer par Freud, pourtant fidèle de longue date (qui n’admettait pas que la suggestion soit à la fois toute-puissante et restait non-expliquée) et Pierre Janet, père de la Psychologie clinique française (« Je ne suis pas disposé à croire que la suggestion puisse expliquer tout et en particulier qu’elle puisse s’expliquer elle-même« ).

L’état cérébral d’hypnose est aujourd’hui identifié et connu, donc il est bien réel (comme le pensait Charcot), et qu’il ne se résout pas à la suggestion, bien réelle aussi, mais qui est différente de l’état d’hypnose, puisqu’on peut faire des suggestions à tout moment de la vie…
Conclusion : les deux neurologues avaient donc raison, chacun pour une partie de leurs convictions ! 🙂

Allez, on se fait la bise et on fait la paix !

La Nouvelle Hypnose reprend ainsi les idées de Bernheim sur l’importance de la suggestion et y ajoute l’état d’hypnose, sans lequel la plupart des phénomènes ne peuvent pas être obtenus. Par exemple : une personne convaincue de pouvoir soulager son mal de dent, met sa main sur sa joue douloureuse… en vain, puisque la douleur reste. Le soulagement est léger, seulement émotionnel… Mettez-la en état d’hypnose, demandez-lui à nouveau de mettre sa « main guérisseuse » (la même qu’avant !) sur sa joue… et là, o miracle ! la douleur disparaît ! L’hypnose seule ne sert à rien, mais la suggestion seule non plus. L’alliance des deux, par contre, fait des miracles.

Araoz traduit dans son livre, en langage moderne, les 3 idées de base de la Nouvelle Ecole de Nancy, sans parler du fait que Bernheim avait abandonné l’hypnose puisque, lui, Araoz, comptait bien utiliser cet état modifié de conscience, pour ses avantages…

  1. « Le changement efficace est apporté par une expérience réalisée au travers d’une activité cerveau droit. » Autrement dit : « C’est l’imagination qui produit le changement. »
  2.  « Importance de l’auto-suggestion. L’hétéro-suggestion fonctionne seulement si elle fait écho à ce que l’individu se suggère à lui-même, au fond de lui. » « Le thérapeute aide l’individu à apprendre à utiliser l’auto-suggestion efficacement.« 
  3. « L’auto-suggestion agit au niveau non-conscient de la pensée ou à ce que l’on comprend maintenant comme une pensée cerveau droit ou expérientielle.« 

Suite à cela, Araoz passe en revue une série de références de recherches (noms, dates) sur la suggestion et l’aspect « expérientiel » de l’Hypnose (principalement Barber et des gens de son époque, donc autour des années 1970)…
Il explique également en quelques lignes les trois types de suggestions (théoriques) établis par Baudouin (1922) : spontanée, induite et réflexive (ce qui est différent des formes de suggestions, beaucoup plus nombreuses, utilisées en thérapie).
Et cette partie sur la Nouvelle Ecole de Nancy se conclut avec un lien vers le présent et le futur de l’Hypnose : « La Nouvelle Hypnose améliore et enrichit, avec l’aide des récentes recherches, ce que la Nouvelle Ecole de Nancy nous a appris il y a un siècle« … Le nom de Barber revient et celui d’Erickson aussi, pour « son autre manière d’utiliser l’Hypnose. »

Et Araoz termine en déclarant : « La Nouvelle Hypnose n’est pas une nouvelle école de psychothérapie, mais une méthode systématique à l’intérieur de laquelle toute psychothérapie valide peut fonctionner. » Ce qui est prémonitoire de sa propre perte, comme nous le découvrirons plus tard…

LE PARADOXE DE LA NOUVELLE HYPNOSE

Le chapitre 2 du livre d’Araoz commence par une suite fastidieuse de noms et de dates (jugez-en par vous-même !)… L’auteur cherche à justifier à la fois son attachement à Bernheim (suggestion) mais aussi à l’Hypnose (travaux de Barber, plus récents).
Il en vient à citer Kuhner, un dentiste qui pratiquait l’Hypnose et qui est l’auteur de l’expression « hypnose sans hypnose » (1962) pour désigner la manière de pratiquer en « hypnose conversationnelle« . Expression étonnante et qui peut certes attirer l’attention, mais que son auteur a dû regretter lui-même par la suite et qui a disparu du vocabulaire anglophone ( « hypnosis without hypnosis » est introuvable sur Google, ailleurs que dans l’article en lien ci-dessus et sur quelques sites de magiciens, sans rapport avec l’hypnose véritable). En France, elle est devenue à la mode, mais source de confusion et/ou sert de justificatif à des personnes n’arrivant pas à pratiquer l’Hypnose :
« Mais, je n’étais pas en transe !
– Mais si ! Seulement, c’était « du conversationnel », donc vous ne vous en êtes pas rendu compte ! »
L’excuse parfaite !… 😀

Bien entendu, la véritable « hypnose conversationnelle », comme son appellation l’indique, reste de l’hypnose, donc l’atteinte d’un état modifié de conscience, tangible et observable par toute personne présente (cf. article dédié). Araoz le précise bien dans son livre, lorsqu’il cite cette « hypnose sans hypnose, lorsque celle-ci survient dans le développement naturel de la relation dans laquelle le patient a besoin de l’hypnose et le thérapeute lui apporte les conditions pour rendre cette expérience possible. »

Bref, au début de ce chapitre, Araoz tourne autour de cette idée : faire de l’Hypnose mais sans les rituels de l’Hypnose traditionnelle (dite « Classique » en France), donc différemment de la pratique des anciens hypnothérapeutes, mais différemment aussi d’Erickson qui, lorsqu’il n’était pas « classique », jouait surtout avec des leviers psychologiques pour arriver à ses fins thérapeutiques. C’est cela, sa « Nouvelle Hypnose ».
Plusieurs pages passent ainsi sur les principes d’hypnotisabilité (encore Barber, puis Erickson, Rossi et Watzlawick, pour arriver à l’idée que « toute personne normale est capable d’utiliser l’Hypnose« ), de profondeur de transe (pour en arriver à dire que la Nouvelle Hypnose préfère « accroître l’implication imaginative » de la personne)… et conclut sur la pratique de l’auto-hypnose (afin que la personne soit autonome et son thérapeute juste une aide ponctuelle).

A la suite de cela, un sous-chapitre s’ouvre sur les techniques d’induction hypnotique. Araoz explique de suite que la Nouvelle Hypnose cherche à être plus douce et moins ritualisée que l’ancienne Hypnose. Elle se veut « naturaliste, comme l’était l’approche d’Erickson » – à la différence qu’Araoz demande beaucoup à la personne de participer, contrairement à Erickson, ce dont il ne semble pas se rendre compte lui-même !

Jugez-en par vous-même : dans « Un Séminaire avec Milton Erickson » (un séminaire enregistré quelques mois avant la mort d’Erickson), page 39-40. Erickson fait une induction à une participante, Christine. Il lui dit :
« Très bien. Appuyez-vous sur le dossier de la chaise et fixez ce cheval (en montrant une miniature posée dans sa bibliothèque). Le voyez-vous ?
– Oui
– Regardez seulement dans cette direction générale. Je veux que vous m’écoutiez tous et que vous notiez ce que je suis en train de dire. Maintenant, Christine, regardez seulement ce cheval… (Christine réajuste sa position). Vous n’avez pas besoin de bouger. Vous n’avez pas besoin de parler. Je vais vous rappeler quelque chose que vous avez appris il y a très longtemps. Quand vous êtes allée à l’école pour la première fois et que le professeur vous a demandé d’apprendre à écrire les lettres de l’alphabet, cela semblait un travail terriblement difficile (Erickson décrit un moment les formes des lettres, Christine cligne des yeux). Et alors que je suis en train de vous parler, votre respiration a changé. Votre rythme cardiaque a changé. Votre pression sanguine a changé. Votre tonus musculaire a changé. Vos réflexes moteurs ont changé. Et maintenant (Christine ferme les yeux), je veux que vous gardiez vos yeux fermés et je veux que vous vous sentiez très confortable. Et le plus confortable vous vous sentirez, le plus profondément en transe vous irez. J’aimerais que vous alliez si profondément en transe qu’il vous semblera que vous n’aurez même plus de corps. Vous vous sentirez juste comme un esprit sans corps. Un esprit flottant dans l’espace. Flottant dans le temps. Et des mémoires d’il y a longtemps vous reviendront. Des mémoires que vous aviez oubliées depuis longtemps. »

Etc. On sent qu’Erickson est en fin de vie, car jamais auparavant il n’abordait les thèmes de « l’esprit flottant dans l’espace ». On est alors début août 1979 et il mourut en mars 1980… Vous constatez tout de même qu’il est toujours très direct ! Comme il l’a été toute sa vie, dans toutes les inductions que l’on a de lui. Les subtilités sont dans les allusions qu’il peut faire, les leviers psychologiques sur lesquels il appuie parfois. On reconnaît aussi en début d’induction sa fameuse « référence aux apprentissages précoces », qu’il utilisait souvent.

Bref, voyons maintenant le court exemple d’induction qu’Araoz propose dans son livre :
« Une induction typique pourrait ressembler à quelque chose comme cela : Notez le poids de vos mains sur votre poitrine… Qu’est-ce que vos mains peuvent noter d’autres ?… Vérifiez maintenant… une sensation de chaleur, peut-être. Un léger souffle dans l’air. La température de la pièce… Si vous vouliez séparer vos mains maintenant, vous pourriez noter d’autres sensations intéressantes, comme l’une qui se ressent plus légère que l’autre. Laquelle est-ce ? »

Araoz parle à la personne, mais dans le sens de la faire participer. Elle doit « noter » des choses. Erickson parlait à la personne pour l’informer de ce qui lui arrivait. Cela n’a rien à voir.
Araoz parle moins, fait plus de pauses (les « … ») et conduit la personne du mode associé (« Notez le poids de vos mains ») au mode dissocié (« l’une des mains se ressent plus légère que l’autre »). Ce n’est pas la même manière de parler. Et c’est beaucoup moins directif, à côté d’un Erickson qui annonce : « Je veux que vous m’écoutiez. Vous n’avez pas besoin de bouger. Je veux que vous gardiez vos yeux fermés, etc. »

Plus loin dans le livre, Araoz parle de se caler sur la respiration de la personne (synchronisation). Il évoque les possibilités naturelles de changement de la personne, sans rien lui obliger. Il essaie de faire « devenir la personne plus consciente de son intérieur » (inner self)… Bref, Araoz décrit une manière de conduire l’induction hypnotique qui ressemble à ce que l’on pratique actuellement en hypnothérapie !

« Le praticien de la Nouvelle Hypnose observe la personne soigneusement et respectueusement, en utilisant chacun des éléments fournis par la personne elle-même« . Araoz cite 3 catégories d’éléments à synchroniser : le corps (gestuel, expressions faciales, etc.), le style de langage (et son « système de représentation intérieur », le VAKO) et enfin les affirmations importantes que la personne a faite durant l’anamnèse.

Araoz explique ensuite les bases de l’accompagnement de la personne : noter ses phrases clés, ses métaphores, pour les réutiliser durant la séance d’hypnose, sans les interpréter ni déformer. Et aussi, apprendre à la personne à entrer en état d’hypnose, tout en faisant en sorte de l’aider : « double tâche de l’hypnothérapeute : aider les clients à devenir familier avec ce mode de relation à eux-mêmes et produire les conditions favorables au changement ».

Puis il énonce diverses manière de procéder à l’accompagnement hypnotique. Je cite :

  1. Devenir pleinement conscient de ses sensations corporelles et alors se focaliser sur elles (ex. la respiration) jusqu’à ce que le matériau inconscient émerge.
  2. Répéter une affirmation importante jusqu’à ce que les processus intérieurs inconscients émergent à la conscience.
  3. Revivre en esprit une expérience passée, au lieu de simplement en parler.
  4. Devenir conscient de son énergie physique jusqu’à ressentir les forces vitales qui activent le système nerveux parasympathique.
  5. Focaliser en esprit sur un objectif possible, positif et constructif pour son avenir.
  6. Simplement permettre à la personne d’être silencieuse, en suggérant que l’Inconscient peut commencer à travailler pendant ce moment de « ne rien faire », sans que l’esprit conscient ne le sache (« without the awareness of the conscious mind »).

Ce qu’il appelle des « inductions non-ritualisées« … (Bon, la 4ème est étrange ! 😉 )
Lesquelles inductions « deviennent une invitation naturelle à connecter son soi intérieur, son soi inconscient. »

Toujours est-il que l’on note une grande différence par rapport à la manière de faire d’Erickson !

Araoz conclut ce chapitre sur ses idées à propos de l’aspect « utilisationnel » éricksonien, qu’il estime très important :
« En Hypnose traditionnelle, il y a souvent une réelle tentative de reprogrammer l’esprit du client par l’usage excessif de suggestions directes. Il est curieux que la Programmation Neuro-Linguistique (PNL) prétende suivre les enseignements d’Erickson, alors qu’il détestait que l’on applique le modèle cybernétique aux humains. »
Apparemment Araoz n’est pas très ami avec la PNL… ?

« L’utilisation n’est pas la programmation. C’est plutôt l’utilisation efficace de l’expérience hypnotique au bénéfice du client » assène Araoz, sans toutefois donner d’exemple concret. Mais l’idée est là. Erickson la professait aussi, bien que ses démonstrations d’induction hypnotique, même à la fin de sa vie (on l’a lu ci-dessus) ne reflétaient pas ses belles paroles…
L’important est qu’il nous ait montré la voie et que nous en ayons fait l’Hypnose d’aujourd’hui !

~oOo~

Ces deux premiers chapitres nous ont montré le lien entre les idées de Bernheim, la Nouvelle Ecole de Nancy, et la Nouvelle Hypnose, baptisée ainsi en son hommage.
J’en ai profité pour vous rappeler le travail de Bernheim, l’importance de la suggestion, les idées de Charcot, et le fait, un siècle après, que toute cette « guerre de clocher » n’avait plus lieu d’être, car les deux spécialistes avaient chacun en partie raison.

Puis Araoz est un peu entré dans « la technique », avec la position de l’hypnothérapeute, sa manière de pratiquer les inductions, l’aspect utilisationnel, et j’en ai profité pour vous faire comparer une induction éricksonienne et les méthodes de la Nouvelle Hypnose.

Il est possible que vous ayez jusque-là baptisé « éricksonienne » ce qui, en réalité, vous l’avez découvert à travers le livre d’Araoz, est de la Nouvelle Hypnose.

Le prochain chapitre traitera plus avant des techniques.
Vous découvrirez qu’il y en a peu (une douzaine)… ce qui vous permettra de comparer avec la Nouvelle Hypnose francophone, telle qu’on la pratique en France depuis 1995.

Il y a encore quelques points intéressants à découvrir dans ce livre. C’est donc…

A suivre ! (Episode 4/5)

La Nouvelle Hypnose : le livre ! (Episode 2/5)

Résumé : où l’on découvre que la Nouvelle Hypnose s’appuie sur l’Hypnose Classique de Bernheim, pour la dépasser, doit beaucoup à l’Hypnose Ericksonienne mais n’a rien de commun avec elle… Avec des témoignages de spécialistes prestigieux, un rappel historique et les bases des idées novatrices de la Nouvelle Hypnose.

Nous voilà à la préface du livre, écrite par Theodore Xenophon Barber, PhD. (1927-2005), un expert en Hypnose plus ancien que son homonyme, Joseph Barber, PhD., célèbre quant à lui pour ses travaux sur le traitement de la douleur en Hypnose…

LA PREFACE DU LIVRE

Theodore X. Barber (dont je n’ai pas pu trouver une photo) s’est fait connaître en 1969 pour son livre « Hypnosis: A Scientific Approach » qui a participé aux lettres de noblesse universitaires de l’Hypnose, avec d’autres grands nom de l’époque comme Martin Orne ou Ernest Hilgard.
Barber était, comme Erickson, un « super sceptique », l’un de ces matérialistes extrémistes, membre actif du Committee for Skeptical Inquiry (CSI) et aujourd’hui au Panthéon des Sceptiques (Pantheon of Skeptics) – eh oui, cela existe !!… Donc, pas la personne la plus ouverte d’esprit qui soit !…

Il a le mérite d’avoir participé avec ses collègues à sortir l’Hypnose du flot de superstitions dans lequel elle pouvait encore baigner, à cette époque. Il est donc édifiant qu’Araoz l’ait invité à préfacer son livre, clair hommage à l’Hypnose Classique, et plus encore que T.X. Barber ait accepté, gage de sérieux pour la Nouvelle Hypnose.

Les travaux de Barber l’ont amené à penser que l’Hypnose (l’EMC) n’était pas le vecteur principal du changement (par exemple, thérapeutique) et que la suggestion (donc, les mots, les paroles) était ce qui comptait le plus.
De fait, il ne parlait plus d’Hypnose… mais « d’approche hypnosuggestive ». Il faut le savoir quand on lit sa préface (cf. extraits ci-dessous).

Bon, mis à part cela, Barber ne nous apprend pas grand chose de nouveau à travers sa préface (voir la première page de la préface). Il nous rappelle que « l’approche hypnosuggestive » des années 1980 est désormais centrée sur la personne, au contraire des anciennes formes d’Hypnose où l’importance du thérapeute était centrale (c’était lui qui avait le savoir et qui agissait). Il rappelle aussi les noms du trio de chercheurs qui ont (re)lancé les recherches scientifiques sur l’Hypnose (Orne, Hilgard et lui-même), ce qui avait attiré d’autres grands noms de la psychologie à travailler sur l’Hypnose (il cite Weitzenhoffer, Spanos, Sarbin ou encore Fromm, Bowers et d’autres)… avec pour résultat plus de 1000 nouveaux articles de recherches innovantes sur l’Hypnose.

Et toute sa préface détaille cette évolution de perception de l’Hypnose, devenue « approche scientifique sérieuse » à travers les années 50, 60 et 70. Il dit notamment que « bien que le grand public ait une conception encore rigide de l’Hypnose, cette ancienne vision n’est plus acceptée par aucun chercheur sérieux actuel. » (S’il pouvait avoir raison, même en 2018 !! 😀 )…

Barber explique aussi ce qui a fait l’évolution vers la Nouvelle Hypnose, partant de l’Amérique des années 40-50, est « une Amérique des années 80 plus démocratique, avec un accroissement marqué du niveau moyen d’éducation des américains, une expansion significative des sources d’information, spécialement la télévision, etc. » (c’est lui qui le dit !). Il fait le lien avec « la prise de conscience croissante d’une large partie de la population pour les actions militaires américaines continuelles et inutiles, ainsi que pour la constante menace de l’holocauste nucléaire, qui a provoqué des mouvements de protestation et une plus grande disposition à la défiance des autorités existantes« …

Il semble donc à Barber que la population (américaine, mais on peut étendre l’idée) n’était plus à même d’accepter une forme « d’aide » où un thérapeute tout-puissant manipulait la personne, certes pour son bien, mais sans son accord éclairé (sans que la personne ait les détails pour approuver ou non l’action du thérapeute).
La voie pour une Nouvelle Hypnose collaborative était donc naturellement ouverte.

John Watkins, à 98 ans (créateur, entre autres choses, du « pont affectif » utilisé pendant la RHV, en Nouvelle Hypnose)

Enfin, Barber parle de l’évolution des autres formes de thérapie : Gestalt, thérapie existentielle, TCC et l’ensemble des « thérapies humanistes » qui faisaient désormais partie de la boite à outil des thérapeutes des années 80… Il cite aussi les « innovateurs comme Erickson, Sacerdote, Spiegel et Watkins, devenus moins ritualistes et plus centrés sur la personne »… Avant de conclure qu’il était donc normal, d’après lui, que l’Hypnose, grand-mère de ces approches, évolue elle aussi vers une approche « plus résiliente, créative, permissive et collaborative. »

Bien sûr, comme on s’en serait douté, Barber termine en expliquant que « la Nouvelle Hypnose codifie tous ces nouveaux principes de base et présente des exemples aidants de leur mise en application », qu’elle « clarifie le rôle des nouveaux hypnothérapeutes comme professeurs et guides » dans une relation de collaboration avec la personne, « pour l’aider à expérimenter de nouvelles voies« . Et que les nouveaux hypnothérapeutes (praticiens de la Nouvelle Hypnose) seront désormais « pleinement engagés avec leurs clients et communiqueront avec eux (en donnant des suggestions) pas seulement de façon verbale et intellectuelle, mais avec feeling, émotion, participation et engagement. »

Il précise que « l’ancienne hypnose était trop accrochée aux procédures et aux inductions ritualisée, à l’obtention de transe profonde, et que les thérapeutes étaient dérangés et préoccupés lorsque leurs patients n’étaient pas assez hypnotisés » (Barber a participé à la création d’échelle d’hypnotisabilité, comme Weitzenhoffer)… Alors que « les nouveaux hypnothérapeutes sont conscients du côté fallacieux des hypothèses qui sous-tendent l’intérêt à la transe profonde et, comme le précise Araoz (plus tard dans le livre), qu’ils mettent l’emphase sur le fait d’aider la personne à apprendre de nouvelles compétences en utilisant l’hypnosuggestion, pour la paix de l’esprit, la tranquillité et l’amélioration personnelle ».

Là, Barber annonce en quelques lignes ce que l’on apprendra dans le livre : la prise de conscience des auto-suggestions négatives (chères à Araoz) et des bienfaits de l’auto-hypnose… avant de conclure : « La Nouvelle Hypnose nous apprend à tous à utiliser l’hypnose pour atteindre la paix de l’esprit et pour fonctionner avec une conscience accrue et  plus de compétences dans notre vie de tous les jours. Ce livre indique ainsi la voie d’amélioration de nos savoir-faire thérapeutiques et aussi de l’amélioration de nos vies, la nôtre et celle de nos clients ».

Belle fin de préface, venant d’un expert extrêmement exigeant, peu enclin à jouer des émotions pour faire passer une idée ou à enjoliver une pratique. La Nouvelle Hypnose a donc dû bien l’impressionner pour qu’il écrive un texte pareil… ce qui donne envie de plonger dans l’introduction du livre, écrite par l’auteur lui-même !

Les livres étaient comme les films de l’époque : un long générique de début… pour nous mettre dans l’impatience du commencement des choses concrètes !

L’INTRODUCTION PAR ARAOZ

On lit enfin Araoz, qui nous raconte qu’il avait intitulé « New Hypnosis » un chapitre de son précédent livre (« Hypnosis and Sex Therapy », 1982). Il avait présenté dans ce chapitre sa vision d’une nouvelle manière de pratiquer l’Hypnose, ce que « de nombreuses personnes que je respecte pour leur professionnalisme » lui ont demandé d’étendre… Ce qui fut donc à l’origine du livre « The New Hypnosis », sujet de ce long article. (Voir la première page de l’introduction)

Araoz dit que la réaction de ses collègues lui fit prendre conscience que ses concepts d’une « Nouvelle Hypnose » le dépassaient, que cette nouvelle approche avait une vraie réalité, qu’il convenait de présenter plus longuement (ce qui m’arriva aussi, en mon temps, avec « ma façon à moi de faire de l’hypnose, mais sans dissociation », dont la description pour mes élèves finit par être si longue et complète qu’elle prit la forme d’un gros livre de plus de 500 pages… et que l’on dut baptiser ce qui était, en fin de compte, bien plus qu’une simple « approche personnelle » : l’Hypnose Humaniste !)…

Voici ce qu’écrit Araoz ensuite :

« Ce livre est la présentation de la méthode la plus efficace pour aider les gens à atteindre des buts qui, bien que désirés, semblaient auparavant inatteignables. Cette méthode est désignée comme la « Nouvelle Hypnose » parce qu’elle est enracinée dans des concepts et principes associés à l’Hypnose scientifique, telle que documentée depuis l’époque de Mesmer (environ 1775).
La Nouvelle Hypnose, d’un côté, touche et s’étend au-delà du domaine de l’Hypnose traditionnelle, et de l’autre côté s’élance au-delà de l’étroit focus de la soi-disant Hypnose Ericksonienne, avec ses rejetons tels que la Programmation Neuro-Linguistique.

« La Nouvelle Hypnose accroît l’efficacité de l’Hypnose traditionnelle en étant plus expérientielle (NDR : c’est-à-dire fondée sur l’expérience, la recherche d’émotions et de sensations), plus centrée sur le client, et moins liée aux concepts expérimentaux relayés par les laboratoires. Elle intègre aussi des applications purement cliniques de l’Hypnose, tel que dans la plupart des travaux publiés par Erickson (NDR : donc des applications non-vérifiées en labo, mais tirées de l’expérience en thérapie), ajoutées aux preuves réunies par T.X. Barber et ses associés sur l’efficacité de l’Hypnose clinique non-traditionnelle (cf. plus haut, l’apport de Barber sur les mots, la parole, et donc pas seulement sur l’utilisation de l’état d’hypnose seul).

« Je ne fais pas d’équivalence entre la Nouvelle Hypnose et l’approche éricksonienne de l’Hypnose (…) Le culte grandissant développé autour d’Erickson, de part et d’autre des USA et même à l’étranger devint une grave préoccupation. Je ne voulais pas prendre part à la dévotion de Milton H. Erickson car le culte est auto-limitant. (Voir la page 2 de l’introduction d’Araoz)

Milton Erickson

« Erickson a enseigné quelque chose de beaucoup plus grand que son travail personnel en utilisant ses particularités et son humour, ses méthodes et paraboles peu orthodoxes.
Certains essayent maintenant de l’imiter au point de ressembler à lui (au « vieux Milton », attention !), répétant ses anecdotes comme si elles avaient une valeur sacrée, utilisant le paradoxe juste parce que cela ressemble plus à Erickson (ou plutôt « à Milton »).

« Le culte est un inconvénient avec tous les grands maîtres, en religion et en philosophie comme en psychothérapie. Mais ses adorateurs manquent l’essentiel de l’héritage d’Erickson. Son travail nous a appris que le thérapeute doit se concentrer attentivement et totalement sur les besoins et les expériences du client. C’est seulement dans ce cadre que le thérapeute peut être lui-même et adapter son approche en conséquence.
Le culte ericksonien contredit son enseignement principal. La Nouvelle Hypnose doit beaucoup à Erickson, bien sûr. Mais elle est beaucoup plus que « Ericksonienne ». Elle inclut les techniques de nombreux chercheurs et cliniciens dans le domaine de l’Hypnose traditionnelle. Elle s’appuie également sur des éléments théoriques et méthodologiques de la psychothérapie existentielle, humaniste, de la Thérapie Cognitivo-Comportementale et de la thérapie expérientielle.

« Enfin, la Nouvelle Hypnose se développe à partir des recherches menées en dehors du domaine de l’Hypnose traditionnelle dans les domaines de l’imagination, de la bilatéralité cérébrale et du changement humain, avec ses multiples ramifications dans la théorie des valeurs, de la perception et de l’image du monde. »

Voilà… pour ceux qui pensaient qu’il y avait un lien entre l’Hypnose Ericksonienne et la Nouvelle Hypnose, vous avez les idées sur le sujet du fondateur de la Nouvelle Hypnose. En pratique, si ce n’est l’inspiration apportée par Erickson (un « esprit pratique », centré sur la personne, qui a influencé toutes les formes de psychothérapie, pas seulement l’Hypnose) et les particularités de langage, certes repérées chez Erickson, mais ensuite largement améliorées en Nouvelle Hypnose (sur la base du « Milton-modèle » PNL) en un nouveau langage hypnotique, inconnu chez Erickson lui-même : les techniques des deux approches sont très éloignées !
On ne pratique en Nouvelle Hypnose rien de ce qu’Erickson faisait spécifiquement (donc rien qui lui soit propre), tout comme on n’utilise pas en Hypnose Ericksonienne les protocoles, le langage et les techniques de la Nouvelle Hypnose, tout simplement car Erickson lui-même rejetait toutes théories et tous protocoles… et que la Nouvelle Hypnose n’existait pas de son vivant !

UN TÉMOIGNAGE EXTÉRIEUR

David Calof, élève d’Erickson

Pour compléter ce que dit Araoz dans son introduction, voici un extrait du prologue du livre de David Calof, ancien et dernier élève d’Erickson pendant 5 ans, et pionnier de la Nouvelle Hypnose. Après avoir décrit un cas d’hypnothérapie, il explique :

« Contrairement à la vieille image de l’hypnose, (en Nouvelle Hypnose) nous ne réalisons pas les thérapies en exerçant un pouvoir sur le patient. Nous ne faisons pas quelque chose au client pour produire une « cure ». Au lieu de cela, nous travaillons avec lui, dans une relation de confiance et d’échanges, pour solliciter sa propre capacité à guérir et à résoudre ses problèmes.

Paradoxalement, bien que je doive à Milton Erickson les bases de ma pratique, je me suis progressivement écarté de ses techniques (…) Pendant les cinq ou six premières années de ma pratique, je vénérai Erickson et j’imitai son style de travail. Mais alors que moi et ma pratique parvenions ensemble à maturité, (…) je développai peu à peu ce que je pense être une manière de travailler plus « transparente ». J’écoute davantage ; je travaille plus lentement ; le plus souvent, je laisse le client dicter le rythme et la direction.

Erickson perçut que je m’écartais de ses techniques directives et m’y encouragea ; de manière subtile, il me dissuada de revenir, suggérant qu’il était temps pour moi d’établir mon indépendance. » (Extrait de « Monsieur ma femme, Madame mon mari », 1996)

LA NOUVELLE ECOLE DE NANCY

Le prof. Bernheim, de la Nouvelle Ecole de Nancy

Après avoir expliqué la différence entre l’Hypnose d’Erickson et la Nouvelle Hypnose, Araoz poursuit son introduction en détaillant le prochain contenu de son livre. Notamment, il pointe la différence entre les thérapies qui recherchent une prise de conscience chez la personne et la Nouvelle Hypnose « en tant que manière puissante d’aider les gens à changer librement et profondément. » 

Il explique que l’on n’a pas encore pu prouver qu’une prise de conscience, au sens de « compréhension intellectuel du problème » ait jamais fait changer qui que ce soit, et que le changement provient la plupart du temps, quelles que soient les références que l’on prenne, d’une expérience personnelle, profonde.

C’est là qu’arrivent les références à la Nouvelle Ecole de Nancy, d’Hyppolite Bernheim (nommée ainsi pour contraster avec l’Ecole de la Salpêtrière, de Charcot). Araoz raconte :

« En étudiant soigneusement la position tenue par l’Ecole de Nancy en hypnose (spécialement la Nouvelle Ecole de Nancy), on découvre que beaucoup de ce qu’ils avaient compris sur la suggestion et l’auto-suggestion entre dans le champ des « expériences intérieures », opposées aux prises de conscience intellectuelles ou aux convictions raisonnées. » Et là, Araoz part dans un rappel des « Lois de Suggestion », selon l’Ecole de Nancy (qui a beaucoup étudié cela, Bernheim étant celui qui a insisté sur l’importance des mots et paroles choisis) et une explication de la différence entre « volonté » et « imagination »…

Pour rappel, Milton Erickson travaillait surtout grâce à des ruses psychologiques, le langage était secondaire (« artfully vague » : vague et rusé, malicieux, astucieux). Les deux fondateurs de la PNL, Bandler et Grinder, ont cru découvrir dans les structures profondes du langage (grammaire transformationnelle, Chomski, 1957) le secret des succès thérapeutiques d’Erickson, comme Jay Haley avant eux avait cru le faire par le prisme de la thérapie systémique et stratégique.
En vain, car la réussite d’Erickson ne tenait finalement ni à sa « position paternelle » par rapport à ses patients (hypothèse de Jay Haley dans son livre « Un thérapeute hors du commun »), ni à son langage, pratiquement identique au langage simple des hypnotiseurs classiques, ni même aux exceptions de langage révélées par la PNL (Milton-modèle), que l’on connait bien maintenant, que l’on a généralisé et amélioré en Nouvelle Hypnose pour faire le Milton-modèle francophone actuel… Tout cela sans réussir à vraiment imiter Erickson !
Le secret tenait en fait à ses interactions, aux processus qu’il enclenchait chez les gens, donc à des ruses interactionnelles, telles qu’on en retrouve en Psychologie Sociale (cf. Milton-modèle 4, livre « Hypnose« , 4ème édition, 2013).

Bref, le langage avait été mis de côté par les hypnothérapeutes classiques ordinaires (Charcot, Janet et suivants), puis par les éricksoniens (qui privilégiaient les actions créées sur-mesure pour la personne, les prescriptions de tâche, ou restaient dans une hypnose, certes très bien faite, mais toujours très classique)… Pourtant Bernheim avait insisté sur l’importance des suggestions, en vain il faut croire, comme si l’époque n’était pas encore prête à cela.

Les choses ayant évolué, comme le faisait remarquer Barber dans sa préface, la Nouvelle Hypnose des années 80 retrouvaient l’importance des phrases bien faites. Ce sera le début des « accompagnements touchants, des jolies métaphores, des émotions retrouvées » de l’hypnothérapie telle qu’on la pratique aujourd’hui…
« A cause du lien sous-jacent avec la Nouvelle Ecole de Nancy » nous dit Araoz, « la désignation de Nouvelle Hypnose semblait plus appropriée qu’une autre, telle que « moderne », « naturaliste », « ericksonienne » ou « indirecte »… « Nouvelle » reflète aussi le but recherché dans ce livre, à savoir le changement humain, le renouveau – lequel est le sujet, au moins théoriquement, de toutes formes de psychothérapie.

Mais parce que le changement « humain » suit des règles définies relatives aux fonctions de l’hémisphère droit, « hypnose » est gardé dans le titre, même si de nombreux hypnotiseurs traditionnels seront en fort désaccord avec ma compréhension de l’Hypnose. Grâce aux preuves accumulées dans la dernière décennie, il est maintenant irréfutable que l’hypnose est reliée au fonctionnement du cerveau droit (NDR : Araoz précise au début de son livre qu’il parlera de « cerveau droit / cerveau gauche » comme d’une métaphore, non-scientifique, le sachant, mais parce que le terme est plus pratique à utiliser pour un livre grand public) Toutefois, le terme « hypnose » doit être pris dans un sens plus vaste que celui que lui donnent les traditionnalistes, en incluant tout activité mentale qui contourne le fonctionnement cerveau gauche, qu’il soit induit ou spontané. »

Araoz termine ensuite son introduction en expliquant que « la Nouvelle Hypnose a des applications dans tous les domaines du changement humain« , que son livre n’est pas restreint à la seule psychothérapie individuelle mais s’ouvre à la thérapie familiale (puisqu’Araoz est lui-même thérapeute familial) ainsi qu’au développement personnel. Souvenez-vous que l’Hypnose, jusque-là, se cantonnait au domaine médical, depuis James Braid (chirurgien), Bernheim et Charcot (neurologues), Erickson (psychiatre), etc. « Les gens ont tous bénéfices à apprendre à utiliser leur esprit » ajoute Araoz en se citant lui-même (Araoz, 1981).

Il faut faire l’effort de se remettre dans le contexte de l’époque pour se rendre compte de l’évolution. A cette époque, Erickson était mort depuis 5 ans. Il n’a jamais connu cette utilisation de l’Hypnose. Il serait abusif et faux de qualifier d’ericksonienne une pratique qu’Erickson lui-même n’a jamais connu ! « En ce sens, apprendre aux gens, depuis leur enfance, la valeur des suggestions constructives et positives (NDR : « suggestion » en hypnose, signifie « phrase » ou « pensée ») à utiliser dans toutes les activités humaines, cette éducation, véritablement, est une des voies naturelles de la Nouvelle Hypnose. » Alors qu’Erickson refusait d’enseigner l’Hypnose à ses propres enfants avant qu’ils ne soient en fac de Médecine !! On peut pratiquement parler de « révolution » ! Il y aura un « avant » et un « après » la Nouvelle Hypnose

Ce qui rappellera à certains la « mission » de l’IFHE, depuis sa création en 1995…

Pourtant, Bernheim avait tenté de lancer ce courant d’éducation sociale, mais sans doute trop en avance : « Depuis les toutes premières contributions de l’Ecole de Nancy, « l’application générale de la doctrine des suggestions », comme l’appelait Bernheim en 1887, a inclus l’éducation. Baudoin, une autre figure importante de l’Ecole de Nancy, consacrait un chapitre de son livre publié en 1913 à « la suggestion dans l’éducation des enfants ». Aujourd’hui, nous parlerions de développement personne (« self-help approach »), c’est-à-dire du fait que les gens apprennent à utiliser l’Hypnose pour améliorer leur vie. »

Il y avait d’autres prémices de ce courant, dans les années 70, notamment chez Leslie Lecron (qui a créé le signaling, avec son élève David Check) et son célèbre livre d’avant-garde (à l’époque) sur l’auto-hypnose… Araoz dit que cette volonté d’éducation permet de « voir l’Hypnose comme une méthode pratique d’amélioration personnelle, facile à apprendre par tout individu normal, plutôt que comme une technique médicale hautement spécialisée, dangereuse quand elle n’est pas utilisée sans la supervision directe d’un professionnel.
La Nouvelle Hypnose (…) est une habileté mentale, dans les mains de toute personne normale bien motivée, qui veut apprendre comment l’utiliser pour son développement personnel. L’Hypnose peut être apprise par « une personne ordinaire », sans se préoccuper de sa soi-disant hypnotisabilité. Effectivement, l’usage régulier de l’Hypnose pourra grandement bénéficier aux individus comme à la société. »

Un esprit très « humaniste » chez Araoz, longtemps avant l’arrivée de l’hypnose associante, qui parachèvera cette recherche d’une clé d’évolution personnelle, disponible à tout un chacun et bénéfique à la société tout entière (en Hypnose Humaniste, il n’y a plus aucune technique de langage, contrairement à la Nouvelle Hypnose, donc plus aucun risque d’influence par le thérapeute, même involontaire, et bien sûr aucune perte de conscience, puisqu’on cherche au contraire à « gagner en conscience »)…

Et Araoz de conclure par ces mots :
« La Nouvelle Hypnose n’est pas seulement une méthode de thérapie. Elle inclut une attitude, la volonté de reconnaître de manière pratique l’influence de notre esprit profond – l’Inconscient – dans tous les aspects de la vie personnelle, et un effort pour apprendre comment utiliser cette influence de l’Inconscient à notre meilleur avantage. »

Un esprit de développement personnel inconnu chez les hypnothérapeutes précédents…

~oOo~

Eh voilà, nous en avons fini avec l’avant-propos (Rossi), le prologue (Barber) et l’introduction (Araoz)… Le début du livre dit l’essentiel à savoir sur l’origine théorique et technique, et l’esprit qui anime la Nouvelle Hypnose.
Le corps du livre, proprement dit, rentrera dans le détail, donc comme dans un cours. Je vous en résumerai l’essentiel, afin que les articles suivants ne soient pas trop fastidieux (voyez déjà le nombre de concepts et de références de ce début de livre !)…

A suivre, donc ! (Episode 3/5) 🙂