Résumé : où l’on aborde les deux dernières parties du livre, III et IV, qui ne sont faites que de discussions et d’exemples de séances sur les applications en thérapie familiale et en sexothérapie, les deux domaines d’Araoz… Où l’on fera le lien avec la Nouvelle Hypnose francophone, telle qu’on la pratique actuellement, ses sources et particularités.
L’HYPNOSE EN THÉRAPIE FAMILIALE
La “Partie III” commence par un long chapitre sur “l’Hypnothérapie familiale”, Araoz étant thérapeute familial de formation.
Apparemment, Araoz se laisse emporter par sa passion dans ce domaine et abandonne le sujet principal de son livre : la Nouvelle Hypnose ! Pendant quelques lignes, il commence à parler du “modèle d’Erickson” en thérapie familiale, présenté (dixit Araoz) dans “Un thérapeute hors du commun” (Haley, 1973), le livre qui a fait connaître Erickson (mais qui parle en réalité de toutes sortes de cas d’Erickson, pas seulement de thérapie familiale, loin de là)… Et juste après, Araoz avoue qu’Erickson “ne travaillait qu’avec un membre de la famille d’origine” – donc, pas du tout comme on le fait en thérapie familiale, où l’on reçoit toute la famille, pour observer les interactions entre individus.
Bref, Araoz passe assez rapidement à d’autres sources, hypnotiques ou non, souvent très récentes – à l’époque de l’écriture du livre (Morrison, 1981, Lovern & Zohn, 1982, Ritterman, 1983, Calof, 1985)…En une page et demi, on est déjà bien loin de la Nouvelle Hypnose… et le sous-chapitre suivante s’intitule d’ailleurs : “Applications traditionnelles de l’Hypnose avec les familles“, donc de l’Hypnose Classique. Araoz semble avoir été marqué par les travaux récents d’un certain Braun (1984), qu’il résume pour écrire son chapitre…
Il donne un exemple d’induction hypnotique :
“Je demande à la famille de commencer avec les yeux fermés et de les ouvrir et fermer rapidement à chaque fois que je compterai un chiffre. Entre chaque compte pour une plus profonde relaxation, des suggestions sont faites pour qu’au final les yeux restent fermés, alors qu’une plus profonde relaxation est atteinte avec chaque compte. Différents membres de la famille vont arrêter d’ouvrir leurs yeux, à différents moments, mais finalement tous seront relaxés avec les yeux fermés. A ce point, un autre travail peut être accompli, selon votre fantaisie.”
Voilà, donc du “très classique”, un brin simpliste même ! Rien à voir avec notre Nouvelle Hypnose… Une autre page est encore consacrée à cette manière très directe de procéder.
Ensuite, Araoz se lance dans des explications sur les méthodes paradoxales de suggestion, comme on en pratique en Hypnose Ericksonienne ou en thérapie stratégique. A nouveau, les références sont plutôt récentes (principalement Weeks & L’Abate, 1982) mais restent bien loin de la Nouvelle Hypnose proprement dite, puisque les explications données proviennent de la Psychothérapie Paradoxale (cf. lien ci-dessus). A nouveau, Araoz cite rapidement le livre d’Haley sur Erickson, pour dire qu’il contient beaucoup d’exemples de suggestions paradoxales (ce qui est vrai)…
Après cela, Araoz se lance dans un long sous-chapitre (9 pages !) sur le fait que les familles utilisent sans le savoir l’hypnose et donc que les techniques hypnotiques pourraient agir sur ces leviers naturels pour aider les familles. Cela reste à nouveau très théorique, avec beaucoup de publications citées, et de noms, comme si Araoz voulait se justifier. C’est une démarche très universitaire, compréhensible quand on cherche à paraître sérieux, mais de peu d’aide lorsqu’on cherche plutôt des techniques : comment faire ? Aucune rien n’est présenté concrètement.
Enfin, Araoz conclut ce chapitre “familial” sur sa pratique, en relatant pendant 8 autres pages quelques exemples parmi les cas qu’il a accompagné. A nouveau, pas de techniques, outre l’application de ce qu’il a déjà expliqué dans le livre. Cela tourne beaucoup autour de son OLDC (Observe, Lead, Discuss, Check)… On comprend que l’hypnose pourrait être bénéfique aux familles, que l’on doit pouvoir faire beaucoup pour elles, en hypnose, mais Araoz reste évasif quant à sa pratique : il dit ce qu’il a fait, mais pas comment il l’a fait. Donc, on n’apprend rien de spécial sur la Nouvelle Hypnose telle qu’il l’a décrite en technique (cf. article précédent).
NOTRE GUÉRISSEUR INTÉRIEUR
Ce très long chapitre 7 est consacré à notre “Docteur intérieur” (“The Doctor Within”, Bennett, 1981). A nouveau pas vraiment de rapport avec la Nouvelle Hypnose : Araoz va passer 20 pages à nous expliquer que nous avons un pouvoir de guérison intérieur. C’est intéressant, même si on s’en doutait un peu, et on se trouve à nouveau à côté du sujet principal du livre.
Après 3 pages d’histoire et de théorie, Araoz donne quand même un exemple d’activation de notre “guérisseur intérieur” (“inner healer”) :
“Sans forcer votre respiration, imaginez simplement ces vagues de santé dans votre corps, qui suivent le rythme de votre respiration. Vérifiez si vous notez quelque chose d’autre dans ces vagues de santé, actives dans votre corps. Y a-t-il un changement dans leur couleur ? Un son ou une musique ? Combien loin peuvent-elles aller à l’intérieur de votre corps ? Doucement, mais très efficacement, vont-elles atteindre la zone de votre corps qui à le plus besoin d’elles ?
Continuez de penser à cette merveilleuse réalité à l’intérieur de votre corps, alors que vous respirez et que vous dites à vous-même : Les forces de santé en moi peuvent devenir de plus en plus fortes (“stronger and stronger”). Je veux avoir plaisir à cette pensée et y revenir de nombreuses fois après l’hypnose. Je veux penser de plus en plus aux vagues de santé en moi, plusieurs fois par jour…Les forces de santé deviennent plus fortes… Les forces de santé… grandissantes, plus fortes avec chaque respiration que je prends.”
Cela ressemble beaucoup à la méthode Coué (dont Araoz parlait en début de livre) ! Le but d’Araoz est de remplacer les auto-suggestions négatives de la personne par ses suggestions hypnotiques positives. L’ensemble est très proche de ce que l’on pourrait s’imaginer de l’Hypnose Classique.
Bref, Araoz nous sort une autre ration de références (plus d’une page !) pour prouver que les gens sont souvent en train de se parler, mentalement, et que sa méthode est donc logique pour les aider à aller mieux. Puis, il conclut par une citation avant-gardiste de Bowers (1977), célèbre hypnothérapeute classique, qui dit : “Plutôt que de penser que l’esprit affecte le corps (deux entités de différentes natures interagissant), nous pourrions penser en termes de processus d’information“ ! Ce qui rappelle ce que l’on explique aussi en Hypnose Humaniste.
Le rapport avec le sujet du chapitre n’est pas évident, mais la citation est sympa 🙂 Araoz en donne d’ailleurs une autre à la suite, de Bowers et Kelly cette fois (1979) : “Si nous supposons que le corps et l’esprit sont liés par des processus informationnels, à la place d’être séparés par un abysse philosophique, la guérison hypnotique pourrait davantage être vue comme une voie d’accéder à ces processus, plutôt qu’à un affrontement ancestral entre deux réalités séparées.”
Superbe hypothèse de ces ténors de l’Hypnose Classique, à qui il ne manquait plus qu’une pratique non-dissociante pour accéder concrètement à ces fameux “processus informationnels”, comme on apprend à le faire en Hypnose Humaniste !
Mais ce n’est pas le sujet d’Araoz, qui comprend les deux citations de manière superficielle (bien que juste, malgré tout) : “La conséquence de ceci (ci-dessus) est importante. A commencer par le fait que les affirmations d’un médecin, ou les mots utilisés pour décrire un cancer (ou toute autre maladie, d’ailleurs) et son traitement médical, peuvent agir comme de puissantes suggestions hypnotiques qui pourraient affecter le cours de la maladie : des “entrées” verbales (“input”, selon le jargon informatique) décodées en “sorties” (“output”) somatiques.”
En fait, cela va même bien plus loin qu’Araoz ne l’imagine… mais, à nouveau, ce n’est pas le sujet de son livre, et l’époque de ces applications plus poussées n’était pas encore venue.
Cela permet tout de même à Araoz de revenir sur l’importance des mots, et donc de reparler de Bernheim et son Ecole de Nancy, dont il cite les hypothèses (Bernheim, 1888) :
- La nature du corps humain est d’être en bonne santé et fonctionnel.
- Le corps humain a de puissantes ressources pour maintenir sa santé,combattre les pathogènes et se soigner lui-même.
- Le corps humain pourra mieux gérer sa guérison si la nutrition et les exercices sont surveillés et améliorés.
- Se sentir bien et positif à propos de soi-même est bénéfique au corps humain ; le concept démodé de bonheur facilite la guérison, alors que les émotions négatives sont des obstacles aux forces intérieures de santé.
- L’auto-hypnose est un outil mental efficace pour générer des émotions positives à propos de soi.
On comprend là qu’Araoz a quelque peu “modernisé” les propos de Bernheim, ne serait-ce que parce que l’auto-hypnose n’existait pas encore en 1888 sous sa forme actuelle (elle a été formalisée par Oskar Vogt, vers 1900, pendant ses recherches sur le sommeil et l’hypnose, qui furent aussi à l’origine du Training Autogène de son élève, Schultz).
On retrouve aussi dans l’énoncé de Bernheim des principes dictés par Claude Bernard (1850) dans les travaux qui mèneront plus tard au concept d’homéostasie.
Tout ceci amène Araoz à un sous-chapitre sur l’auto-hypnose négative dans lequel il nous parle, entre autres choses, du stress, un notion assez récente à l’époque (Selye, 1976)… Il explique que : “La Nouvelle Hypnose est aidante pour faire glisser notre attention de la maladie vers la santé” (il parle de l’effet des suggestions hypnotiques censées remplacer les auto-suggestions négatives de la personne) mais précise que : “L’auto-hypnose positive ne sera pas efficace dans l’auto-guérison si la personne ne corrige pas les abus qui pourraient influer sur le cours naturel du processus de guérison. Les abus communs tournent autour de la diète, de piètres habitudes de travail et d’un manque d’exercices adéquats. Il est très important d’insister auprès de nos clients sur le besoin de contrôler le tabagisme excessif ou l’alcoolisme, aussi bien que la conscience d’un régime général nécessaire à leur bon équilibre.”
Même si ces conseils semblent logiques, il parait curieux qu’un hypnothérapeute demande à ses patients de veiller à leur alimentation (même si, bien sûr, c’est important, cela n’a rien à voir avec la psychothérapie) ou de tenter de contrôler consciemment des “mauvaises habitudes”, addictions ou compulsions… Mais, sans doute, à l’époque, les hypnothérapeutes n’avaient pas encore de bons protocoles pour les aider en hypnose, sur ces points ?
Toujours est-il qu’Araoz insiste sur l’importance des pensées positives en disant : “La triste vérité est que ce négativisme outrepasse les pensées négatives.” Et Araoz dit que “cette vérité était aussi connue des anciens” et cite ensuite différents livres, tels que le Livre des Morts tibétains, la sagesse Zen, qu’il oppose au “dictat cartésien“… Bref, on sent que les années hippies et le New-Age ne sont pas loin 😉
Araoz commence alors un sous-chapitre sur “Une attitude de santé” en parlant de la vision de l’Inconscient d’Erickson : “La vision bienveillante de notre esprit inconscient est une caractéristique de la vision non-psychanalytique prônée par les successeurs d’Erickson. (Pour eux) Si l’hypnose est une activité de notre esprit, naturelle et bonne pour la santé, alors la partie de notre système nerveux responsable de l’expérience d’hypnose est considérée comme positive.”
J’étais en train de songer que cette description était un peu simpliste, lorsqu’Araoz recadre à la suite ces propos : il explique que cette vision éricksonienne peut certes sembler “naïve” (c’est son qualificatif), mais il reprend ce qui a déjà été dit sur la capacité naturelle d’auto-guérison de notre corps et la met en parallèle… pour arriver à la conclusion intelligente que : “L’appel à un Inconscient bienveillant est une tentative de restaurer son influence bénéfique et positive, plutôt que d’assumer qu’il est intact. Ce que la plupart des thérapies tentent de faire est de purifier l’Inconscient de manière à ce que la personne puisse bénéficier de ces fonctions bienveillantes originelles.”
C’est ce que j’écrivais aussi dans l’introduction de mon livre “Hypnose” (2001), à propos de la nouvelle hypnothérapie : “Il s’agit simplement de la remise en route ou la stimulation de processus naturels d’évolution, provisoirement stoppés ou freinés.”
La Nouvelle Hypnose ne voit pas l’Inconscient comme “tout noir” (Freud) ou “tout blanc” (Erickson), mais avec lucidité, comme un grand “nous-même intérieur”, à l’origine naturellement bienveillant, mais qui peut devenir nocif ou négatif à cause des blessures de la vie… En soignant notre Inconscient, en lui permettant de retrouver l’espace de son auto-guérison, aussi, il reprend le cours naturel de ses activités protectrices, et tout va alors mieux dans notre vie !
“Ma méthode de Nouvelle Hypnose assume la nature bienveillante de l’Inconscient et tente de restaurer ses fonctions originelles” écrit Araoz.
Il donne ensuite deux exemples de phrasé qui s’appuient sur cette idée :
(Après l’induction hypnotique) “Maintenant que vous êtes relaxé, notez la douceur de votre respiration. Votre corps a trouvé son propre rythme confortable de respiration. Il est possible que vous en profitiez encore plus. Chaque respiration peut être agréable. Pensez à votre respiration comme connectée à votre énergie de santé. Imaginez vos énergies de santé devenir plus fortes, plus actives à chaque respiration. Vous pouvez devenir curieux à propos de cette énergie de santé. Comment apparaît-elle dans votre esprit ? (Laissez la personne répondre) Quelle sorte de force est-ce, qui s’écoule à travers votre corps ? Maintenant au travail dans chaque partie de vous.” (Etc.)
Ou avec la métaphore du “docteur intérieur” :
“Connectez-vous à votre docteur intérieur. Ok ? D’abord, relaxez-vous, juste comme ça… vos yeux fermés et laissez chaque respiration vous amener plus près de votre docteur intérieur à vous. Laissez-le venir à votre aide. Êtes-vous en contact avec lui ? (La personne hoche la tête) Focalisez-vous maintenant sur votre douleur. Laissez le docteur intérieur donner à votre douleur une personnalité, une vie propre. Vous êtes encore avec moi ? (Le patient hoche la tête une fois de plus) Maintenant, vous pouvez parler directement à votre douleur. Ok ? Demandez-lui ce qu’elle fait ici. Sa présence est-elle un message ? Prenez votre temps. Ecoutez votre voix intérieure. Votre docteur intérieur est au travail en ce moment même. Posez-lui la même question encore. Comment puis-je sortir de cette douleur maintenant ? Comment puis-je faire ? Que dois-je faire pour stopper cette douleur ?”
Dans le premier exemple, on voit que la syntaxe est toujours très “classique”, avec des phrases affirmatives (“votre corps a trouvé son propre rythme”) voire impératives (“Notez” ceci, “Pensez” à cela, “Imaginez”…). De nos jours, en Nouvelle Hypnose, on serait plus doux et aussi beaucoup plus technique dans le langage – ce qu’Araoz prônait mais n’appliquait pas, d’après ce que l’on peut lire des différents exemples de son livre (cf. aussi les articles précédents).
Et dans le deuxième exemple, Araoz personnalise la douleur, un peu comme on le fait aussi en Hypnose Humaniste. Mais on voit qu’il a des problèmes à faire parler la personne, à ce qu’elle prenne conscience ou juste qu’elle réussisse à garder conscience (“Vous êtes encore avec moi ?”) et donc que la personne peine à obtenir sa réponse (“Posez-lui la même question encore“)…
C’est formidable qu’Araoz ait eu cette idée de personnaliser la douleur, mais tenter cela avec une induction hypnotique dissociante (qui “endort” la personne, par séparation du conscient et de l’inconscient) et ensuite lui demander de prendre conscience d’un mécanisme inconscient (sic !)… c’est se mettre soi-même dans les ennuis – même si, bien sûr, on comprend qu’il ne pouvait pas faire autrement, à l’époque, puisque les inductions associantes n’existaient pas encore…
En Nouvelle Hypnose, tout comme en Hypnose Classique ou Ericksonienne, on ne demande pas à la personne d’agir sur elle-même (sinon, à quoi sert de faire de l’Hypnose ?), on active son Inconscient afin qu’il fasse le travail grâce à des capacités et ressources inaccessibles à la personne : essayez de stopper volontairement une douleur ou de faire partir un eczéma par la force de votre volonté !… Pourtant ce sont des choses faisables en hypnose, en laissant agir l’Inconscient.
Et voilà qui termine ces deux chapitres et la “Partie III”.
La “Partie IV”, composée de deux longs chapitres de 25 pages, est faite du récit de deux cas traités par Araoz en Nouvelle Hypnose : “Une famille modèle” (chapitre 8) et “Un papa comme aucun autre” (chapitre 9). On n’y apprend rien de nouveau, si ce n’est lire Araoz à l’oeuvre. Je vous ferai donc grâce du détail de ces longues pages de transcriptions de séances, surtout utiles lorsqu’on apprend à pratiquer.
Enfin, l’Épilogue permet à Araoz de remercier encore ceux qui l’ont aidé dans la réalisation de sa Nouvelle Hypnose et d’écrire : “La Nouvelle Hypnose est un toast personnel aux rêves brisés et aux nouveaux arcs-en-ciel. C’est la révélation de mon travail et mon héritage professionnel. Bien qu’il n’y ait “rien de nouveau sous le soleil”, une nouvelle construction sur une ancienne a le pouvoir de l’enrichir. La Nouvelle Hypnose essaie de montrer cette possibilité d’enrichissement à ceux qui ont pour tâche d’aider les autres à aller au travers du processus de metanoia.”
FIN
🙂
UNE BELLE IDÉE SANS SUITE ?
Qu’est devenue la Nouvelle Hypnose d’Araoz ? L’avenir nous montre qu’il n’a pas su développer, ni propager, ses bonnes idées d’Hypnose collaborative, sophistiquée au niveau du langage, moderne et prenant en compte les émotions de la personne, son développement personnel et son autonomie (à travers l’auto-hypnose, etc.)…
Vous avez pu lire dans cette série d’articles combien Araoz a établi les concepts, les théories, mais trop peu d’applications pratiques au final. Il nous propose 12 techniques, certaines simplistes, d’autres peu utilisables aujourd’hui, et d’autres encore très bonnes mais qu’il ne semble pas maîtriser du tout (les métaphores, par exemple)… Pourtant, l’idée d’une Nouvelle Hypnose est bien là !
Suite à l’écriture du livre “The New Hypnosis“, sujet de cet article, la pratique d’Araoz ne “décollera” donc pas, peut-être à cause de son âge (55 ans au moment de l’écriture du livre). D’un côté, il n’a pas su en faire la promotion, et de l’autre, la figure emblématique d’Erickson est devenue au même moment “légendaire”, de là à masquer les autres formes de travail thérapeutique en Hypnose.
André Weitzenhoffer, célèbre hypnothérapeute, chercheur en hypnose, collègue et ami d’Erickson écrivait cela : “Au fil des années, depuis sa mort, Erickson est de plus en plus devenu une légende vivante, et comme cela se produit avec les légendes, une quantité croissante de faits plus ou moins fictifs a commencé à s’accumuler à son sujet.”
Toujours cantonnée aux USA, s’en suit pour la Nouvelle Hypnose d’Araoz une longue période d’absence jusqu’en 1998 (Araoz a alors 68 ans) où le terme “New Hypnosis” est cité dans un congrès éricksonien comme un équivalent de l’Hypnose Ericksonienne : !?? Ce qui est contraire aux idées d’Araoz (cf. l’épisode 2 de cet article)…
Araoz a dû finir par se faire engloutir par la masse grandissante des “éricksoniens” à la mode à l’époque – lesquels avaient peut-être déjà aussi commencé à reprendre à leur compte les principes d’Araoz, pour une pratique plus douce et actualisée de l’Hypnose (ce qui a participé au succès de la soi-disant “hypnose éricksonienne”).
Pourtant, cette même année, était publié aux USA le livre d’Araoz “The New Hypnosis in Sex Therapy“, avec des exemples de séances dont le protocole sous-jacent, reconnaissable mais pas identifié par Araoz, ressemble beaucoup (en plus simple et plus flou) à la THI utilisée aujourd’hui en Nouvelle Hypnose francophone (inspirée de la TCC)…
Puis le terme “New Hypnosis” disparut à nouveau, dans son sens originel (décrit dans le livre et dans cet article), cette fois-ci complètement.
~oOo~
Aujourd’hui, le terme “New Hypnosis” a disparu aux USA. On ne trouve en recherchant sur Google qu’un vieil institut “new hypnosis” à San Rafael, en Californie, fermé aujourd’hui, qui présentait un mélange d’hypnose new-age, de PNL, de chamanisme et de travail sur les chakras, sans jamais citer Araoz : et pour cause, leur pratique n’avait aucun rapport avec lui ! 😉
Et Amazon n’affiche aucun livre de “new hypnosis“, autre que quelques vieux livres d’Araoz, d’occasion.
A la fin des années 1990, Daniel Araoz, ne voyant pas “décoller” sa pratique, et la vieillesse venant (puisqu’il est né en 1930), avait fini par céder aux sirènes de la mode éricksonienne et par abandonner ses idées sur Bernheim, le langage, une hypnose modernisée et le fait que “la Nouvelle Hypnose doive beaucoup à Erickson, bien sûr. Mais elle est beaucoup plus que « Ericksonienne ».” On le voit invité dans quelques congrès éricksoniens, ce qui achève de dissoudre dans l’esprit des gens la différence qu’il souhaitait établir pour sa Nouvelle Hypnose.
Les tenants de l’Hypnose Classique et surtout les praticiens de plus en plus nombreux à l’époque de l’approche d’Erickson, avaient absorbé et fait disparaître les idées novatrices du bon Araoz, malgré ce qu’en disait Ernest Rossi lui-même en 1985 : “Mes 12 ans d’études avec Milton H. Erickson (ont été) comme une route personnelle vers la Nouvelle Hypnose” (cf. article 1)…
Heureusement pour la Nouvelle Hypnose, depuis le début des années 1990, ayant acheté le livre d’Araoz, ma pratique de jeune hypnothérapeute s’était naturellement appuyée sur ses belles idées… Faute de techniques précises décrites dans le livre, j’avais développé pour mon usage en thérapie un langage hypnotique efficace, doux et plus conforme aux attentes de mes patients.
C’est le langage en apparence simple et pourtant techniquement assez sophistiqué que l’on connait aujourd’hui en Hypnose, qui s’est diffusé naturellement lorsque j’ai commencé à donner des formations, dès 1995, d’abord à quelques collègues proches, puis de villes en villes, jusqu’à toucher de plus en plus de monde !
Ce nouveau langage hypnotique, présenté dans mon livre “Hypnose” (écrit en 1999-2000 et publié en 2001), est un mélange des anciennes suggestions chères à Bernheim, modernisées, et des astuces et exceptions de langage repérées chez Erickson par la PNL (Milton-modèle), remises en forme et surtout adaptées par mes soins à la pratique de la Nouvelle Hypnose en français.
Ajoutez ensuite quelques techniques personnelles de communication hypnotiques (métaphores sur 7 niveaux, saupoudrage complexe, etc.), enveloppées d’un esprit humaniste provenant de ma pratique de l’Hypnose (antérieure à ma découverte d’Araoz et d’Erickson) et vous voilà avec la recette de la Nouvelle Hypnose à ma façon.
Cette “Nouvelle Hypnose francophone” en devenir se construisait tranquillement, au gré de mes consultations, suivant les réactions de mes patients (à l’époque, beaucoup de personnes handicapées : moteurs, mentaux, non-voyants, accidentées, etc.).
Les techniques d’induction hypnotique devaient également être remises au goût du jour, sur la base, bien sûr, de l’Hypnose Classique. Il n’existait pas d’autres inductions, puisqu’Erickson utilisait soit des inductions classiques, soit il improvisait ; de plus, il ne souhaitait pas établir de protocoles ou de techniques fixes (aspect “utilisationnel”).
Là aussi, ces inductions centenaires étaient modernisées, adoucies, assorties de certaines des ruses d’Erickson (approche naturaliste) et aussi des idées collaboratives d’Araoz, dans un esprit proche du “développement personnel” apparu dans les années 1970-1980 et dont on ne se passerait plus : métaphores, beaux voyages intérieurs, régressions dans le temps (sans limites !), travail sur les émotions, etc.
De même, j’avais aussi modifié les structures que j’avais apprises en PNL pour les rendre “hypnotiques” car, à l’époque, utilisées telles qu’elles, mes patients les trouvaient “bizarres” et peu efficaces (ce n’est pas faute d’avoir essayé !). Les gens ordinaires, en thérapie, ne sont pas tous prêts à parler à leurs mains ou à modifier des images “en haut à gauche” en imagination ! Mais, laisser l’hypnothérapeute activer leurs ressources profondes, laisser leur Inconscient les soigner, ça c’était facile et agréable.
Apparaissent donc des protocoles : la Nouvelle Hypnose francophone propose ainsi des “méthodes à suivre”, des procédures, comme Rossi en avait fait connaître le premier dans l’Histoire de l’Hypnose (alors qu’il travaillait pourtant encore avec Erickson, l’homme anti-protocoles !), mais plus complets (car ceux de Rossi faisaient toujours 3 points, en 3 questions).
La PNL et certains courants New-age avaient aussi commencé à utiliser de telles structures d’intervention, faciles à suivre pour un débutant. Il ne manquait plus qu’à faire de même pour la pratique de l’Hypnothérapie, autrefois difficile d’accès, sévère et souvent médicale… Donc, simplifier la pratiquer, oui, mais toujours avec des protocoles de niveau professionnel, utilisables en thérapie, par des thérapeutes, auprès de cas parfois difficiles.
La Nouvelle Hypnose francophone allait ainsi rendre accessibles à la compréhension et à la pratique du plus grand nombre les techniques de travail en Hypnose, grâce à des “guides de pratique” en plusieurs points, adaptés aux différents cas de figure rencontrés en thérapie ou en coaching !
Cela aussi s’est propagé et, aujourd’hui, bien rares sont les écoles d’Hypnose qui ne proposent pas des protocoles d’Hypnose… Or, ils sont enseignés depuis 1995 dans les premières formations de l’IFHE et, comme je vous l’écrivais plus haut, présentées dans mon livre “Hypnose“.
Ce livre, qui dépasse au moment de l’écriture de cet article les 150.000 exemplaires vendus, diffuse toujours en France et dans les pays francophones cette nouvelle approche de l’Hypnose, plus douce, certes pratiquée dans un esprit de développement personnel, mais avec une grande rigueur et sophistication technique, qui participe grandement à son efficacité.
Après la sortie de ce livre, la Nouvelle Hypnose francophone remplaça quasi immédiatement, dans la pratique des hypnothérapeutes francophones et de beaucoup de pnlistes, l’approche classique et celle, certes efficace mais peu reproductible (et parfois brutale), du “sage de Phoenix” et même les simples structures PNL, accessibles mais souvent d’une efficacité limitée dans la pratique réelle (professionnelle) de la thérapie.
L’approche d’Erickson que j’avais connue dans les années 1990, enseignée au compte-gouttes aux professionnels de la santé (dans des instituts le plus souvent fermés au grand public), a fait place à une pratique plus facile, plus douce, plus adaptée à la thérapie ordinaire, en laissant au monde médical la partie difficile : tout ce qui concerne les maladies physiques lourdes ou la psychiatrie.
Aujourd’hui, l’IFHE forme en moyenne 1000 personnes par an, essentiellement pour leur développement personnel, bien qu’un grand nombre continue l’apprentissage jusqu’au niveau nécessaire pour pratiquer l’hypnothérapie, professionnellement. Les groupes sont hétéroclites, majoritairement féminins, de toutes professions ou toutes origines sociales… L’Hypnose s’est démocratisée !
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J’espère que cet article vous a permis de mieux cerner ce qu’est la Nouvelle Hypnose, telle qu’Araoz l’avait souhaitée, de comprendre ses origines, sa philosophie, et par-là même de mieux mesure la différence avec les autres formes d’Hypnose : le “saut quantique” qu’Araoz a su engendrer entre les “hypnoses appliquées sur la personne” (classique et éricksonienne) et la pratique moderne de la Nouvelle Hypnose, collaborative, structurée et technique – et même sans perte de conscience, avec l’Hypnose Humaniste, née avec le nouveau millénaire.
Vous n’avez donc plus de raison de vous mélanger et d’appeler improprement “éricksonienne” une Nouvelle Hypnose apparue après la mort d’Erickson, que celui-ci n’a jamais pratiqué et qui est, en plus, bien loin de sa manière de penser !
En vous souhaitant succès et bonheur dans votre pratique de la Nouvelle Hypnose, que ce soit pour votre usage personnel (ou familial) ou auprès de vos patients.