Bien sûr que non !!…
Le pauvre docteur Erickson doit se retourner dans sa tombe, à lire des choses pareilles sur lui !… Lui qui faisait partie du cercle des “sceptiques” : ces ultra-rationnels qui ne croient qu’au matérialisme le plus dur !… Lui qui a influencé les courants de pensée les plus rigoureux (école de Palo Alto). Lui qui n’aimait pas la Psychologie (bien qu’il était diplômé également en Psychologie, il détestait les théories sur l’humain et disait régulièrement beaucoup de mal sur les autres formes de psychothérapie ou sur la psychanalyse). Lui qui voulait réserver l’hypnose aux seuls médecins. Sa fille aînée Carol Erickson expliquait qu’il ne voulait même pas parler d’hypnose avec ses propres enfants “tant qu’ils n’auraient pas leur doctorat en médecine” (pourtant aucun ne devint médecin)…
Erickson se fait traiter de “chaman” et de “guérisseur” ! Il aurait pris cela pour une insulte !
Jusqu’au début des années 2000, l’Hypnose Ericksonienne était considérée comme une approche psychothérapique assez “dure”, réservée aux seuls médecins, selon les vœux d’Erickson lui-même. Les personnes qui se formaient alors en Hypnose Ericksonienne avaient une bonne culture psychologique (souvent des psychiatres), une bonne connaissance de la psychothérapie en général ; ils connaissaient la vie et l’œuvre d’Erickson, ses “manières” et techniques thérapeutiques, les personnes qu’il avait côtoyées (souvent des grands noms de la thérapie, comme les fondateurs de l’Ecole de Palo Alto). Ils avaient beaucoup lu, avant même d’arriver en formation…
Bref, l’Hypnose Ericksonienne était une pratique élitiste, tant la matière paraissait aride et complexe.
A cette époque, cette forme de thérapie pouvait paraitre mécanique et “dépourvue d’âme” à ceux qui sont davantage portés sur l’intuition et le travail sur les émotions.
En 2006, Betty Alice Erickson (1938-2019), la 4ème enfant de Milton Erickson (qui a eu 8 enfants !), publia un livre où elle décrivait son père comme un “guérisseur”, avec des allusions au chamanisme (traduit en français en 2009) !…
Selon le dictionnaire, un “guérisseur” (“healer” en anglais) est : “une personne, généralement dépourvue de diplôme médical, qui guérit ou prétend guérir, en dehors de l’exercice légal de la médecine, par des moyens empiriques ou magiques, en vertu de dons particuliers supposés ou à l’aide de recettes personnelles“.
Quel rapport avec Milton Erickson ou même l’Hypnose thérapeutique en général ???
Si on peut comprendre qu’une fille idéalise son père, lui attribuant après coup les idées et qualités qu’elle aurait aimé qu’il ait – et surtout dans un contexte où il est facile et tentant d’idéaliser un thérapeute disparu pour en faire un “modèle”, une sorte de “gourou” – le moins que l’on puisse dire est que le choix des mots est maladroit.
L’insistance a vouloir imposer cette “drôle d’idée”, guidée par des intérêts financiers évidents (puisqu’après sa retraite, elle s’était mise à participer à des formations grand public en parlant de son père comme d’un “guérisseur”) aurait dû éveiller les soupçons – même si dans un “monde parfait” on aurait pu espérer que cette vieille dame respecte la mémoire de son père.
Les professionnels sérieux de l’Hypnose Ericksonienne, qui connaissent la pratique telle qu’elle existait du temps d’Erickson (par lecture des écrits d’Erickson, et non d’autres auteurs, fussent-ils ses propres enfants), ne peuvent que s’effrayer des dérives possibles, décrédibilisant l’Hypnose Ericksonienne. Faire passer la pratique d’Erickson pour les soins d’un “guérisseur” ou d’un “chaman”… lui qui était le plus extrémiste des “pro-médecins”, c’est une violation complète de la mémoire d’Erickson, un irrespect total du travail qu’il a mené sa vie durant !
D’autant plus qu’Erickson a lutté toute sa vie contre ceux qu’il appelait “les charlatans”, c’est-à-dire, selon son opinion : les thérapeutes “non-médecins”… Que l’on soit d’accord avec ça ou non : imaginez quelle aurait été sa réaction si on l’avait traité lui-même de “guérisseur” ou de “chaman” ?… Le scandale ! 😀
Evidemment, lorsqu’une personne est décédée, on peut tout se permettre en son nom… Et il existe déjà bien des dérives, les uns et les autres baptisant “Hypnose Ericksonienne” des approches modernes, sûrement très attrayantes bien que pas forcément efficaces (peu importe, ces “formateurs” n’ont pour la plupart jamais été thérapeutes, ce sont avant tout des commerciaux). En tout cas, cela n’a plus aucun rapport avec le psychiatre de Phoenix…
Pas étonnant, donc, que certains formateurs peu scrupuleux se soient précipités sur cette “aubaine” de pouvoir enseigner de l’Hypnose soi-disant “Ericksonienne”, avec l’appui d’une des filles d’Erickson, et tant pis si celle-ci n’a pas de réelles connaissances techniques, ni de vraie compréhension psychologique (elle fut institutrice toute sa vie), sous couvert du nom de son père, “d’intuition”, de “spontanéité”, de “chamanisme” ou autre jargon new-age…
Mais avoir l’appui inespéré d’une des filles d’Erickson, quel “gage de vérité” auprès d’un public non-averti !… La belle aubaine $$$ !… C’est bien triste ! 🙁
UN PEU D’HISTOIRE…
Vous savez que Milton Erickson a eu 8 enfants : trois d’un premier mariage (jusqu’en 1933) et cinq autres d’un second mariage (à partir de 1936). Betty Alice Erickson fut le quatrième enfant d’Erickson, après son mariage avec Elizabeth Moore. Betty Alice est née en juillet 1938. Elle est donc plus jeune de 14 ans par rapport à sa grande sœur, Carol Erickson (née en 1924).
Milton Erickson a arrêté de travailler à l’hôpital en décembre 1949, en raison d’une grave crise d’allergies. A son rétablissement, ayant déménagé sur conseil de son médecin à Phoenix, où le climat était plus sec, Erickson reprend un travail à l’hôpital à partir de fin 1950, mais il doit à nouveau arrêter en 1951, suite aux complications de son état de santé.
A partir de là, par la force des choses, Erickson ne reçoit plus qu’en consultations libérales (une première pour lui : il a toujours travaillé à l’hôpital !) et il se consacre surtout (1953) à donner de temps en temps des petits séminaires en Hypnose, à travers le pays. Sa pratique thérapeutique n’étant plus qu’occasionnelle, en raison de sa santé fragile.
C’est ainsi qu’Erickson se fait connaître et diffuse son savoir-faire, jusqu’à la rencontre avec Jay Haley (1955) qui écrira un livre de cas qui le rendra célèbre (1967). Suite au livre, Erickson donnera quelques formations à partir de 1969 (Betty Alice Erickson parle dans une vidéo du déménagement de ses parents dans une maison plus adaptée au fauteuil roulant de son père).
Erickson rencontrera Bandler et Grinder (1973) qui le modéliseront et firent de lui le modèle le plus influent de la PNL naissante. Pour rappel, Erickson décéda en mars 1980. Sa renommée intervint donc vers la fin de sa vie…
Ainsi, Betty Alice Erickson avait 11 ans quand son père arrêta de pratiquer l’hypnose en consultations !…
Puis, quand Milton Erickson commença à donner des formations chez lui, en 1969 : elle avait 31 ans et depuis bien longtemps un métier, une famille, sa maison à elle, etc. Que voulez-vous qu’elle ait retenu du peu dont elle a pu être témoin ?…
Ajoutez à cela que, de la bouche de sa grande sœur Carol, leur père ne leur parlait jamais d’hypnose ou de thérapie, et vous comprendrez aisément que Betty Alice n’était pas la mieux placée pour décrire ce que son père faisait durant son métier.
D’ailleurs, Erickson parlait parfois de ses enfants dans ses écrits (Robert, Roxie, Carol, le plus souvent) et parfois donc aussi de Betty Alice, mais il en parlait comme de ses enfants, présents pour telle ou telle occasion ou qui ont eu telle ou telle réflexion d’enfant… Il n’en parlait bien sûr pas comme de ses “assistants” ou “collaborateurs”, puisqu’ils étaient tous trop jeunes. Même si Betty Alice était venu assister aux formations que donnait son père dans ses dernières années de vie (l’a-t-elle fait un jour ?), elle en aurait appris autant que les autres participants…
Carol Erickson, l’ainée des enfants d’Erickson (avec qui je me suis formé), était majeure lorsqu’Erickson pratiquait encore à l’hôpital. Elle avait 27 ans quand son père commença les consultations en libéral – un âge plus adapté à comprendre une pratique thérapeutique comme l’hypnose – puis 45 ans lorsqu’Erickson se mis a donner des formations. Et Carol était déjà une thérapeute avec une clientèle et elle dirigeait l’Institut Erickson de Berkeley, Californie !
C’est la raison pour laquelle; lorsque j’ai voulu rencontrer “une Erickson” pour confirmer et renforcer ma formation personnelle en Hypnothérapie, il m’a semblait que seule Carol pouvait m’apprendre quelque chose sur la pratique de son père…
Anecdote amusante, et qui montre que les enfants ne sont (heureusement ?) jamais comme leurs parents : dans ses séminaires, dont on a la trace enregistrée et écrite, Milton Erickson critiquait régulièrement la psychanalyse, la gestalt, l’analyse transactionnelle et, en général, toute pratique thérapeutique basée sur la psychologie. Il prônait une approche individualisée, “par personne”, selon des principes thérapeutiques relativement mécanistes (agir sur le symptôme sans rechercher la cause)… Et pourtant, Carol Erickson adorait l’analyse transactionnelle (bien qu’elle dirigeait un Institut Erickson) !! Comme quoi… 😉
En formation, elle aimait annoncer la fin des pauses ou des exercices en chantant des chansonnettes d’enfant. Elle s’asseyait sur le bord d’une table, les jambes battant la mesure, et quand on l’interrogeait sur cette curieuse attitude, elle vous répondait : “Je laisse un peu mon Enfant Intérieur s’exprimer” ! Ce qui n’a absolument rien d’éricksonien ! On retrouve le concept d’Enfant Intérieur chez Jung et ses élèves, puis en Analyse Transactionnelle comme en Hypnose Humaniste. Toutes choses qu’Erickson détestait !… 😀
On a donc une fille d’Erickson qui pratiquait l’hypnose mais aimait une approche que son père a dénigré toute sa vie ! 🙂
Carol porte le nom de “Erickson” mais n’est pas “éricksonienne” au sens strict, technique. Elle le disait elle-même : “le seul éricksonien, c’était papa !”
On peut donc bien imaginer qu’une autre fille d’Erickson, institutrice, puisse être fan de chamanisme… Pourquoi pas ? Tant qu’on ne cherche pas à nous faire croire que son père l’était aussi !
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AUJOURD’HUI
A la suite de la pratique d’Erickson, a été créée une forme d’hypnose améliorée et plus douce. Cette “nouvelle hypnothérapie” est une pratique rigoureuse, encadrée, sérieuse, aujourd’hui la plus utilisée en Hypnothérapie mais aussi en coaching d’entreprise ou sportif… Cette nouvelle approche, différente de la pratique d’Erickson sur de nombreux points, a été baptisée “Nouvelle Hypnose” (Araoz, 1979, Lockert, 1995).
Erickson lui-même n’a jamais pratiqué l’Hypnose comme on le fait actuellement (voir “Formes d’Hypnose“). La Nouvelle Hypnose s’est ouverte à un plus grand nombre, même “non-professionnels”, qui découvrent en elle une clé de connaissance de soi…
En 1995, lorsque j’ai commencé à donner des formations en Hypnose Ericksonienne & Nouvelle Hypnose, les groupes comportaient un grand nombre de thérapeutes déjà en exercice… Aujourd’hui, la plupart des élèves sont des particuliers, qui peuvent souhaiter devenir hypnothérapeutes, mais pas forcément – ce qui témoigne de l’évolution de l’Hypnose thérapeutique, plus intuitive, plus douce, touchant les domaines de la psyché profonde, des émotions et du développement personnelle – et plus seulement de la thérapie au sens strict (“réparer ce qui est cassé”).
Milton Erickson avait perçu cette “évolution” de sa pratique – chose qu’il disait regretter mais ne pas pouvoir empêcher (lire “Mr ma Femme, Mme mon Mari” de David Calof, dernier élève d’Erickson). Il parait donc normal de ne pas nommer “éricksonienne” une pratique qu’Erickson n’a jamais exercé, ni même connu de son vivant, pour la plus grande part.
La rigueur avec laquelle la Nouvelle Hypnose est enseignée et pratiquée n’empêche pas l’humanisme et l’intuition – preuve en est de l’enseignement diffusé à l’IFHE (Institut Français d’Hypnose Humaniste & Ericksonienne).
L’IFHE a été la première école a ajouter le travail de l’intuition aux formations professionnelles en Hypnose Ericksonienne. C’est même la première chose que tout élève en Hypnose apprend à l’IFHE, dès la première matinée de cours. Il s’agit, comme le préconisait Milton Erickson, de “faire confiance à son Inconscient”…
Mais comme le précisait à juste titre Richard Bandler, fondateur de la PNL qui a observé le travail d’Erickson durant ses dernières années de vie : “Un Inconscient qui a énormément travaillé !” car Milton Erickson était un acharné du travail. Il passait des heures et des heures à étudier, pratiquer puis peaufiner, améliorer et simplifier, avec l’aide de son épouse, les séances d’Hypnose qu’il avait faites à ses patients…
Les formations professionnelles IFHE en Hypnose sont donc très structurées. Leur continuum a été maintes et maintes fois étudié, retravaillé et amélioré. Il est en constante évolution.
Comme dans tout domaine, on n’atteint pas un niveau technique correct sans travail – il ne faut pas se leurrer. Et il faut beaucoup de travail avant de pouvoir “lâcher les feuilles de cours” et “improviser intuitivement”, même sans prétendre atteindre le niveau du virtuose qu’était Milton Erickson.
Tenter d’égaliser ce qu’un génie a mis toute sa vie à créer en “pratiquant intuitivement”, sans rigueur et travail, en négligeant l’apprentissage technique ?… C’est simplement n’importe quoi. Imaginez ce que cela donnerait en chirurgie, par exemple, si votre chirurgien “improvisait” (“chirurgie intuitive” : ayez confiance ! 😀 ).
Souvenez-vous de cette phrase d’Edison : “Le génie est fait d’1% d’inspiration et de 99% de transpiration” !
L’approche un peu “fleur bleue” que présentait Betty Alice Erickson n’a donc rien à voir avec l’Hypnose Ericksonienne. (Nota : cet article est sorti à l’origine en 2009, suite à la traduction de son livre en français, et elle collabora durant quelques années avec un centre de formation français, pour l’hypnose)
Carol Erickson, fille aînée de Milton Erickson, a aujourd’hui 85 ans (Nota : elle est décédée aujourd’hui). Après m’être formé auprès d’elle, il y a une vingtaine d’années, elle avait accepté de parrainer l’IFHE.
Contrairement à sa jeune sœur, Carol Erickson avait réellement pu voir son père travailler et avait ainsi une idée plus juste de sa pratique. Pourtant, elle-même vous aurait dit qu’elle ignorait pour ainsi dire tout de ce que faisait son père – ce qui est honnête de sa part – même si, avec les années, elle était elle-même devenue une praticienne expérimentée de l’Hypnose thérapeutique.
Ainsi, très logiquement, il faut bien admettre : aucun des enfants de Milton Erickson, fusse l’aînée, n’aurait pu réellement expliquer ce que leur père faisait en consultation. D’abord, parce qu’ils n’étaient pas dans le bureau avec leur père lorsqu’il travaillait. Ensuite, parce que leur père ne leur parlait pas de son métier et ne leur expliquait certainement pas ce qu’il faisait techniquement en thérapie ! Enfin, parce que, hormis Carol Erickson, aucun d’eux ne s’était intéressé à l’Hypnose et n’était devenu thérapeute…
Alors, quand vous voyez qu’un ou deux des plus jeunes enfants d’Erickson se sont découverts, à l’âge de la retraite, des “connaissances en Hypnose Ericksonienne”, plus de vingt ans après la mort de leur père et sans jamais avoir été eux-mêmes thérapeutes auparavant… Et qu’en plus, d’après eux, Milton Erickson serait devenu un “chaman-guérisseur”… 😀 …Il vaut mieux en sourire !…
Mais pour ça, il faut connaître un peu l’histoire – sans quoi, on apprend (et on répète) des bêtises, ce qui est bien dommage pour l’héritage que nous a laissé Erickson – digne d’être respecté pour ce qu’il est, même si l’Hypnose thérapeutique moderne a bien évolué depuis. C’est une question de mémoire.
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Si vous souhaitez apprendre ce que faisait Milton Erickson : lisez ses livres et articles : “Séminaire avec Milton Erickson” et “Traité Pratique d’Hypnose” qui sont des cours d’hypnose par Erickson, “L’Homme de Février” qui est le récit d’une thérapie, ou les “Collected Papers of M.H.Erickson” (l’intégrale des articles d’Erickson, traduits)…
Laissez Erickson vous expliquer lui-même son approche de l’Hypnose, plutôt que ce qu’en disent ses enfants qui, même certainement très bien intentionnés, n’ont forcément jamais su ce que leur père faisait – un peu comme si on demandait au fils d’un chimiste célèbre de nous expliquer les idées et le savoir de son père, en espérant que le fils aurait le même génie professionnel que son père. Les enfants de Milton Erickson peuvent témoigner de l’homme et du père, pas du professionnel et de son savoir-faire.
En lisant les livres d’Erickson, vous découvrirez son vrai visage : un homme certes extrêmement intuitif, mais qui possédait avant tout une logique, un pragmatisme et un sens critique sans faille. L’alliance du coeur et de la raison.
# Formez-vous en Hypnose Ericksonienne, dans le respect de la vraie pratique de Milton Erickson.