Résumé : où l’on pose les bases de ce qu’est la Nouvelle Hypnose et où l’on apprend que Rossi, lui-même, le bras droit d’Erickson, considère ses années avec le sage de Phoenix comme “une route personnelle vers la Nouvelle Hypnose”…
Daniel Araoz (1930-), Doctorate in Education (EdD, Columbia University, 1969), Licensed Psychologist (Illinois, 1972) est l’inventeur du terme “New Hypnosis”, aux USA, en 1985.
L’idée de départ était bonne, et nous allons la détailler plus loin, mais Araoz n’en a malheureusement pas fait grand chose. Et c’est curieusement en Europe que cette approche douce et participative de l’Hypnose va se développer.
Pour preuve, Google ne montre comme seul résultat de recherche à “New Hypnosis” (mis à part les livres d’Araoz) qu’un institut d’hypnose, actif entre 2002 et 2013, qui faisait un mélange de chamanisme et de PNL – donc, rien à voir avec la “New Hypnosis” d’Araoz… perdue dans les limbes de l’oubli, aux USA.
Lorsque naquit la “Nouvelle Hypnose”, Erickson venant de mourir (1981). Ce dernier devint alors une sortie d’icone fantasmée, dotée de tous les “super-pouvoirs” et de toutes les qualités. André Weitzenhoffer, proche d’Erickson et que j’ai bien connu, racontait qu’il ne reconnaissait pas dans la “légende” créée sur Erickson l’homme avec lequel il avait travaillé.
Il faut des “modèles” pour inspirer les jeunes générations, et Erickson en était devenu un… Au détriment de la toute jeune “New Hypnosis” qui s’était faite avaler toute crue par la mode déferlante de l’Hypnose Ericksonienne.
Le Dr Jean Godin introduisit l’Hypnose Ericksonienne en France, également au début des années 80… Et lorsqu’en 1992, il publia un livre intitulé “La nouvelle hypnose” pour parler de l’Hypnose d’Erickson (!??)… il finit d’enterrer la pauvre “Nouvelle Hypnose” d’Araoz… Pourtant, Le livre montre que Godin connaissait l’approche d’Araoz. Avait-il bien lu son livre ? Car Araoz précise très clairement dans l’introduction de son livre que la “Nouvelle Hypnose” n’est PAS de l’Hypnose Ericksonienne ! (Lire article suivant)…
Alors, pourquoi avoir créé cette confusion avec le titre de ce livre français, qui ne parle pas du tout de “nouvelle hypnose”, l’originale, celle d’Araoz, que vous découvrirez dans cette série d’article ?
Depuis, l’erreur d’attribution se répète régulièrement en France, où l’on qualifie volontiers l’Hypnose Ericksonienne de “nouvelle hypnose”… ce qui n’est pas le cas, par exemple, chez nos voisins de Belgique qui, eux, ont les bonnes définitions !
Cela ne porterait pas à conséquence si la Nouvelle Hypnose, la vraie, n’avait pas entre-temps traversé l’Atlantique pour transformer radicalement la pratique de l’Hypnose chez nous, en France !
LE LIVRE FONDATEUR
“The New Hypnosis”, le livre à l’origine de la Nouvelle Hypnose, publié en 1985, est depuis longtemps épuisé. Cet article n’a donc pas pour but de vous présenter la Nouvelle Hypnose telle qu’on la pratique aujourd’hui (j’en ai déjà donné des exemples sur ce site) mais de vous faire plonger dans les pages de ce livre fondateur, introuvable.
Avant cela, je laisse le Dr Mairlot, qui dirige l’Institut de Nouvelle Hypnose à Bruxelles, vous résumer cette Nouvelle Hypnose (et donc, en quelques sortes, le livre)…
Extrait de son site internet :
“La Nouvelle Hypnose est une pratique visant à :
- Collaborer avec le patient expert de son problème et propriétaire de ses capacités de changement. La nouvelle hypnose s’oppose donc complètement à l’hypnotiseur autoritaire qui produit le changement ainsi qu’au côté “je sais tout et je peux vous faire changer à votre insu” d’une partie du travail de Milton Erickson.
- Intégrer les idées et les stratégies des hypnothérapeutes qui continuent de faire évoluer l’hypnose depuis la mort de Milton Erickson en 1980.
- Utiliser certaines stratégies des TCC (thérapies cognitivo-comportementales), principalement celles qui travaillent avec les idées négatives et les fausses croyances, source d’auto-suggestions négatives (ASN).
- Intégrer l’auto-hypnose négative (AHN) dans le processus de construction de certains problèmes ou maladies.
- Apprendre l’auto-hypnose au patient pour qu’il soit autonome dès que possible.”
Le premier point est essentiel, car la collaboration hypnothérapeute-patient est emblématique de la scission qui apparut à cette époque entre les anciennes formes d’hypnose (classique, éricksonienne) et celles qui se développeront à l’avenir (nouvelle, humaniste).
Avant la Nouvelle Hypnose, le thérapeute “faisait” la thérapie “sur” le patient, même avec les techniques éricksoniennes, qui utilisaient les flux psychologiques de la personne, mais sans qu’elle en soit consciente…
Avec l’apparition de la Nouvelle Hypnose, l’hypnothérapie devient collaborative : “Pensez à un souvenir agréable” (phrase qu’Erickson n’aurait jamais prononcé, car il préférait induire ce souvenir à la personne). S’il n’y avait qu’un point à retenir, ce serait celui-ci, car il représente la différence principale et la plus reconnaissable entre l’hypnose d’Erickson et la Nouvelle Hypnose.
L’autre apport de la Nouvelle Hypnose est son aspect “intégratif”, au sens où le mélange de différentes approches, complémentaires à l’Hypnose, sont utilisées pendant la séance… On ira même plus loin, avec l’évolution de la Nouvelle Hypnose en France, au début des années 1990, en modifiant les protocoles issus d’autres approches thérapeutiques afin qu’ils soient pratiqués en Etat Modifié de Conscience…
C’est ce que présentera mon livre “Hypnose”, publié en 2000, et qui permettra à l’Hypnose thérapeutique de gagner le succès que l’on sait auprès du grand public et de se répandre jusqu’à aujourd’hui.
Araoz intégrera à sa Nouvelle Hypnose les techniques connues dans le milieu universitaire (TCC) ainsi que des bases de PNL. C’est ce dernier aspect que j’ai optimisé en langue française et qui a donné les protocoles hypnotiques utilisés par la majorité des hypnothérapeutes francophones actuels…
Aux USA, on trouve intégrés à la Nouvelle Hypnose de l’EFT ou de l’EMDR, de l’énergétique, des protocoles issus du chamanisme ou des thérapies transpersonnelles… Bref, des pratiques aussi variées qu’hétéroclites ! Le point commun de tout cela étant l’état d’hypnose (dissociant, bien sûr, donc “traditionnel”, puisqu’il faut des techniques d’inductions spéciales pour atteindre un état d’hypnose associant, comme en Hypnose Humaniste)…
Enfin, dernière caractéristique de la Nouvelle Hypnose d’Araoz : l’idée d’auto-hypnose négative (AHN), qu’il utilisera de temps à autre pour distinguer sa pratique : comme si la personne, par ses pensées inconscientes, maintenait involontairement son état pathologique. Araoz proposera une méthode très simple et directe pour annuler cette AHN : en hypnose, après avoir repéré la structure des pensées négatives de la personne, et puisque cette dernière en EMC confond ses pensées et les paroles de l’hypnothérapeute (comme pendant un rêve, lorsqu’on confond un bruit extérieur avec un bruit survenir dans notre rêve), Araoz remplaçait lui-même les pensées par leur équivalent positif : “Je ne suis qu’un idiot” devenant “je suis quelqu’un de bien”…
Disons que c’était quelque peu intrusif et pas très subtil. On ne pratique plus du tout cela de nos jours !
AVANT-PROPOS D’ERNEST ROSSI
Découvrons ensemble ce que fut cette première “Nouvelle Hypnose”, qui posa les fondations de notre pratique francophone.
Le livre s’ouvre sur la page de titre : “The New Hypnosis, by Daniel L. Araoz, Ed.D.” Le livre est publié, comme bien d’autres livres américains de référence en Hypnose, par Brunner/Mazel, Publishers, New York. (Cliquez ici pour voir la page)
Au dos, comme dans chaque livre, la page de copyright indique le nom de l’auteur (Araoz), rappelle le titre du livre “The New Hypnosis” et la date de copyright (1985), ce qui nous donne une “date de naissance” pour cette approche, même si on se doute bien que l’auteur la pratiquait depuis plusieurs années (il indique “7 ans” dans la conclusion du livre), tout comme James Braid, de son temps, n’a pas inventé l’Hypnose (et son nom) au moment de l’écriture du livre de 1843 : il pratiquait bien avant ! (Cliquez ici pour voir la page)
Puis vient le sommaire, que vous trouverez ici en PDF… Et enfin, le livre commence !
C’est Ernest L. Rossi lui-même qui écrit l’avant-propos : le bras droit d’Erickson, celui qui a co-écrit tous les livres d’Erickson (puisque ce dernier n’a écrit en solo que des articles). Autant dire une sommité, que l’on qualifierait volontiers d’ericksonien, étant donné son expérience auprès d’Erickson… Pourtant, les historiens de l’Hypnose l’indiquent comme “grand-père” de la Nouvelle Hypnose ! Pourquoi ? Parce que c’est chez lui que l’on trouve les premiers protocoles hypnotiques (petit 1, petit 2, petit 3) qui n’existaient pas chez Erickson (“pas de théorie, tout est improvisé”) ni en Hypnose Classique (que des scripts, au mieux, mais pas de directives fixes)…
Et c’est chez Rossi aussi que l’on trouve les premières références à une collaboration “conscient-inconscient”, chose impossible chez Erickson qui, bien au contraire, faisait son possible pour “dépotentialiser le conscient”, pour montrer à la personne que le conscient était faible et, paradoxalement, pour Erickson, également source de tous ses ennuis !… Bref, pas de collaboration “conscient-inconscient” chez Erickson (et les Classiques ne se préoccupaient pas vraiment de l’Inconscient !)…
(Cliquez ici pour voir la première page de l’avant-propos) On découvre donc une facette inédite d’Ernest Rossi (du moins en France).
Celui-ci débute son avant-propos en expliquant que la Nouvelle Hypnose est l’union (“tapestry”) des formes d’hypnose classique et moderne, qu’elle intègre autant les apports d’Erickson que ceux des experts classiques comme Barber ou Hilgard, “d’une manière surprenante”, en allant de la psycho-neuro-immunologie (chère à Rossi, auteur du livre “Psychobiologie”) à la thérapie familiale (formation initiale d’Araoz).
Rossi explique aussi que la Nouvelle Hypnose se distingue de la “programmation” (clin d’oeil aux anciennes suggestions directes et à la PNL, toute nouvelle à l’époque) et “utilise les processus mentaux individuels et naturels de la personne afin d’activer ses propres et uniques ressources et potentiels, pour résoudre ses problèmes à sa manière personnelle !”
Cela ne vous dit rien, ça ? On dirait la description actuelle de… l’Hypnose Ericksonienne… Et c’est Ernest Rossi, plus proche collaborateur d’Erickson, donc quelqu’un qui sait parfaitement ce qu’est l’Hypnose Ericksonienne, qui vous parle d’une “nouvelle manière de faire de l’hypnose” (donc différente de celle d’Erickson) qui donne cette définition de la Nouvelle Hypnose.
Commencez-vous à percevoir que ce que l’on appelle souvent “Hypnose Ericksonienne” en France n’est qu’une appellation à la mode mais erronée (car l’Hypnose Ericksonienne est très différente) de la Nouvelle Hypnose ? Ce qu’aiment les gens, c’est cette nouvelle façon de “faire de l’hypnose”, plus douce et moins médicale : la Nouvelle Hypnose… Mais attendez un peu, d’autres que moi vous le confirmeront !
La page 2, l’avant-propos de Rossi se poursuit alors qu’il explique que “la Nouvelle Hypnose embrasse toutes les approches qui font glisser le contenu de la conscience hors de son conditionnement ordinaire et des limites de ses cadres de référence” (toujours dans le cadre des seules pratiques connues à l’époque, donc dissociantes). Il précise alors la descendance de nombreuses formes de psychothérapie : des pratiques de Freud et Jung, formés à l’origine en Hypnose, jusqu’aux nombreuses formes de psychothérapies existants aujourdhui (il cite la thérapie centrée sur la personne, la Gestalt, l’analyse transactionnelle, etc.) et conclue en disant que c’était “comme si la Nouvelle Hypnose était une mère éperdue qui rappelait à elle ses enfants-psychothérapies perdus, errants dans un monde sauvage et incompréhensible, luttant pour s’unir dans une famille grincheuse mais féconde”… ce qui pointe bien l’essence intégrative de la Nouvelle Hypnose !
Rossi poursuit en indiquant que “les fondements de la Nouvelle Hypnose se retrouvent dans les nouvelles visions et les savoir-faire qu’elle requière des hypnothérapeutes” : des compétences en observation et en communication, à un niveau supérieur à ce qui était exigé dans l’ancienne pratique de l’Hypnose.
“Le challenge d’apprendre la Nouvelle Hypnose nécessitera d’augmenter le niveau de conscience et la compétence de tous les thérapeutes, quel que soit leur niveau d’entraînement ou leur école de pensée”. Et c’est le meilleur éricksonien vivant à l’époque qui vous dit ça !… Avant d’ajouter que la difficulté principale sera “de ne pas se faire déborder par cette explosion d’innovations, qui pourrait nous tenter de prendre la voie facile: celle de rester dans le dogme des quelques approches que l’on connait déjà et de faire taire le reste avant d’avoir profondément compris le nouveau champ…”
Ce qui est, pourtant, ce qui s’est malheureusement fait, où la plupart des gens (praticiens ou non de l’Hypnose) en sont restés soit à l’ancienne Hypnose Classique ou à la réputation de l’Hypnose Ericksonienne, juste pour le nom… en s’appropriant un peu des nouveautés de la Nouvelle Hypnose, mais sans la déclarer comme telle, donc sans l’approfondir vraiment.
Rossi conclut son avant-propos en racontant son expérience, et c’est là le plus édifiant :
“Il s’est passé exactement 12 ans depuis que j’ai commencé mes études avec Milton H. Erickson, comme une route personnelle vers la Nouvelle Hypnose. Ces années n’ont pas été faciles. Abandonner les hypothèses profondément ancrées par ma formation académique initiale (théorie et béhaviorisme), puis par mes formations suivantes en analyse freudienne et jungienne, a été continuellement perturbant et à certains moments décourageant.
Apprendre à utiliser une approche aussi radicalement différente (…) m’a tenu dans un vertige pour une assez longue période. Encore et encore, j’ai été forcé d’éliminer les racines profondes de mes apprentissages d’hier. Et même aujourd’hui, je lutte pour passer outre les limites de mes apprentissages, pour atteindre un meilleur niveau de compréhension thérapeutique et de fonctionnement.
Ainsi, bien que la présentation d’Araoz de la Nouvelle Hypnose soit exaltante, nous devons reconnaître qu’elle demandera un sérieux effort de notre part pour l’intégrer avec intégrité. A un niveau personnel, cela demandera une reconnaissance croissante de votre besoin de continuellement devoir vous re-éveiller, pour grandir encore en compréhension et en savoir-faire. Et à un niveau professionnel, cela vous demandera l’humilité de reconnaître l’horizon encore limité de vos connaissances et le besoin de soutenir et d’étendre les recherches empiriques et expérimentales nécessaires.”
Rossi lui-même considère donc son expérience avec Erickson comme un chemin qui l’a mené à la Nouvelle Hypnose, qui serait ainsi la suite et l’évolution de l’Hypnose Ericksonienne – ce que nous confirmera Araoz lui-même, dans son introduction.
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Nous continuerons cette plongée dans le livre fondateur de la Nouvelle Hypnose, dans le deuxième épisode de cet article un peu spécial, avec la préface que Theodore Barber, prestigieux nom de l’Hypnose Classique, a écrit pour le livre !
Merci pour cet article très intéressant Olivier, je suis impatiente de lire la suite. À très bientôt !
Grand merci Olivier pour cet article extrêmement intéressant et très précis dans toutes ses références historiques et bibliographiques !! La confusion n’est plus possible mais cela permet de mieux comprendre son origine !
A suivre avec beaucoup de plaisir !
Merci pour cette page de culture et pour me permettre d’approfondir ma compréhension de l’hypnose sous toutes ses formes, et pas seulement l’Hypnose Humaniste que j’aime profondement par ailleurs
merci pour cet article fort intéressant Olivier ! vivement la suite !
Un trés bel article, trés juste sur bien des aspects, dans lequel je retrouve ma vision de l’hypnose et de l’accompagnement hypnotique. Merci Olivier